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Pourquoi est-il si important que l’élève à haut potentiel apprenne à apprendre ?

Pourquoi certains enfants à haut potentiel intellectuel, brillants jusqu’alors, voient-ils leurs résultats chuter brusquement ? Quels sont les causes et les risques de cette situation inattendue ?

L’enfant à haut potentiel intellectuel, lorsqu’il n’a pas de trouble ou de traits particuliers conditionnant son apprentissage, est généralement un très bon élève dès son entrée à l’école. Son avance sur ses camarades et ses capacités de mémorisation et de réflexion phénoménales font qu’il ne rencontre pas de complications dans son parcours scolaire (en dehors évidemment d’éventuels soucis d’ordre relationnel, ou de l’ennui s’il n’est pas assez nourri).
Pourtant, malgré cela, des difficultés peuvent arriver par la suite. C’est notamment ce qu’explique Arielle Adda dans sa dernière chronique dans le Journal des Femmes.

Il n’a pas l’impression d’avoir véritablement travaillé : par exemple, au début du primaire, il lui suffisait d’entendre une récitation ou bien de la lire une ou deux fois pour la savoir par cœur et cela lui semblait naturel.

Arielle Adda – journaldesfemmes.fr

C’est là un problème assez récurrent chez les enfants à haut potentiel intellectuel. Étant déjà en avance au primaire, ils connaissent souvent la plupart des leçons et sujets abordés et, dans le cas contraire, une ou deux lectures du cours leur suffisent à le mémoriser. C’est à la fin du collège et particulièrement à l’entrée au lycée, lorsque les cours se font plus denses et fournis, qu’ils peuvent commencer à rencontrer des difficultés. La méthodologie demandée et la quantité de cours et de devoirs n’ont plus rien à voir avec les années précédentes, durant lesquelles l’enfant n’a pas eu à « apprendre à apprendre ».

À ses yeux, les enfants « normaux » réussissent, paradoxalement, mieux que lui, puisque eux ont longuement travaillé leurs cours depuis le primaire : la méthode leur est désormais familière. À ce stade, l’enfant à haut potentiel peut se décourager et perdre confiance en lui sans nécessairement comprendre pourquoi ses résultats chutent brusquement, pourquoi sa mémoire exceptionnelle semble soudainement lui faire défaut. Les parents ne se l’expliquent pas forcément non plus, et s’inquiètent de ce changement d’attitude troublant dont la raison leur échappe tant la situation semble absurde à première vue.

Du côté de l’enfant, cette perte de confiance en soi est d’autant plus stressante que les examens importants approchent, comme le baccalauréat s’il est lycéen, ou le brevet dans une moindre mesure. Alors que les contrôles et évaluations étaient jusqu’à présent des tâches dont il ne se formalisait pas plus que ça, ils prennent soudainement une toute autre ampleur.

Il a peur de se montrer distrait, perdu, d’avoir oublié le mode d’emploi des écoliers, de ne plus comprendre les questions. Il a, d’ailleurs, des souvenirs cuisants des moments où il s’était ridiculisé parce qu’il n’avait pas compris une consigne que tous les autres avaient appliquée sans se poser de questions.

Arielle Adda – journaldesfemmes.fr

L’enfant à haut potentiel intellectuel possède une imagination fertile, et la chute subite de son assurance peut le mener à imaginer bien des scénarios. Devant la baisse de ses résultats et sa mémoire qui lui fait défaut, il peut être amené à douter de lui à chaque question, même si la réponse qu’il a en tête lui semble exacte. Son perfectionnisme le pousse à vouloir donner la bonne réponse et le conduit d’une part à vérifier plusieurs fois le résultat qu’il a obtenu avant de le donner, et d’autre part à douter de chaque énoncé, de chaque tournure de phrases qui lui semble étrange. Là où n’importe quel élève aurait déjà répondu, lui est encore en train de s’interroger et de s’auto-contrôler.

Une telle situation présente plusieurs risques :

  • Le fait de perdre du temps, généralement inutilement puisque sa réponse est exacte malgré tout, fait baisser encore davantage l’estime de soi de l’enfant, qui ne pourra pas s’empêcher de se comparer aux autres,
  • À force de se poser des questions, de trop réfléchir et de passer trop de temps sur un même problème, il peut finir par se lasser et se laisser distraire par ce qui l’entoure, ce qui lui fait perdre encore davantage de temps et le fait apparaître, notamment aux yeux des adultes, comme un enfant rêveur et dissipé, voire procrastinateur.

Dans les deux cas, les visions qu’a l’enfant du problème diffère totalement de celle de son entourage. Là où l’enfant fait son maximum pour se rétablir du mieux qu’il peut, ceux qui l’entourent voient un élève qui régresse, sans pouvoir se l’expliquer. Le dialogue est donc plus important que jamais, dans les deux sens, afin d’éviter que chacun s’enferme dans ce qu’il sait ou croit savoir.
Pour terminer, Arielle Adda livre son traditionnel conseil de fin de chronique, qui résume à mes yeux parfaitement la situation :

« Il faut garder en mémoire cette propension des enfants doués à imaginer le pire, quelles que soient les circonstances. On peut aider celui qui souffre d’une telle angoisse à prendre conscience de la valeur de ses capacités pour qu’il sache qu’il travaille sur une base solide et qu’il peut se fier à ses qualités de raisonnement, elles ne le trahiront pas. »

Lire la chronique en entier sur le site du Journal des femmes

8 commentaires

    1. Bonjour,

      Je pense qu’il faut les aider hp à prendre conscience le plus tôt possible de leurs décalages pour les intégrer au mieux. En effet ils n’ont pas plus de difficultés à apprendre que les autres, bien au contraire, mais apprennent différemment et focalisent leur intérêt sur ce qui leur semble digne d’attention. Donc leur expliquer les attendus du cours, les aider à analyser ce qui est vraiment demandé et assumer une forme de manque d’attractivité de certains cours me semble essentiel. C’est aussi pour cela qu’à un moment il devient nécessaire de leur proposer des aménagements ou un saut de classe car le fait de les maintenir à un niveau dans lequel ils ne fournissent aucun effort leur fait perdre l’habitude de réfléchir et travailler vraiment.
      J’ai écrit un article qui recouvre ce sujet ici : https://enfantsprecoces.info/haut-potentiel-comment-favoriser-les-apprentissages/

      1. Bonjour Françoise,
        Ma fille s’ennuyait en primaire. Nous avons vu avec l’école pour un saut de classe qui finalement n’a pas eu lieu, car ma fille plus que tout voulais rester avec ses amies.
        1/ Comment faire pour nourrir l’enfant malgré cet ennui à l’école et le préparer à l’exigence d’organisation du collège et lycée ?
        2/ comment au collège faire qu’elle garde confiance en elle avec des professeurs exigeants ? Et Comment lui garder un espace de respiration pour que la routine de l’école n’écrase pas la joie de vivre en suscitant de la peur de l’échec ou de la rébellion ?
        Merci pour vos posts.

        1. Bonjour Agnès,

          A mon avis l’exigence en soi n’est pas un problème pour ces enfants à condition qu’ils aient été habitués à fournir un effort, c’est à dire qu’ils aient été confrontés à la difficulté. Le problème si votre fille ne saute pas de classe et ne bénéficie pas d’aménagements par ailleurs, est qu’elle risque de rester dans une situation certes confortable mais qui ne l’entraîne pas pour la suite. Il faudrait donc que se enseignants enrichissent son programme, lui donnent des exercices à sa portée. Idéalement je dirais qu’il serait bien qu’il fassent des passerelles avec la classe supérieure afin que peu à peu elle s’habitue aux autres enfants et éventuellement s’y fasse des amis et consente à accélérer. Sinon vous allez devoir compenser par ailleurs, après la classe, mais cela représente une surcharge de travail et ne résoud pas l’ennui sur le moment.
          Vous pouvez aussi lui trouver une activité extrascolaire qui réclame de l’exigence : musique, un sport…
          et surtout rester sans cesse à son écoute et vous adapter si son état d’esprit change.

  1. Article intéressant et il y a quelques temps encore, j’aurais moi aussi pensé à une difficulté à apprendre. Aujourd’hui mon regard est cependant différent et ce passage renforce encore mes conclusions « Le fait de perdre du temps, généralement inutilement puisque sa réponse est exacte malgré tout ». La réponse est correcte, la mémoire n’a pas changé, les connaissances n’ont pas disparu. Le problème n’est donc pas d’apprendre à apprendre, mais d’apprendre à répondre ce qui est attendu et c’est tout autre chose !
    J’ai souvenir ici d’un jeune homme brillant en sciences avec des connaissances impressionnantes et qui échangeait fréquemment avec des experts. Or au bac de biologie, il a eu 4/20 ! Etait-ce parce qu’il n’avait pas « appris à apprendre » ? Non, il avait peut-être même des connaissances supérieures aux personnes qui l’ont corrigé pour certains thèmes, mais il n’avait aucune idée des formulations attendues et ça a tout changé. Pour aller plus loin, je vous propose ma propre réflexion rédigée il y a quelques semaines : https://www.lemondedemeietnoe.com/post/doit-on-vraiment-apprendre-%C3%A0-apprendre
    Très bonne journée !

  2. Bonjour
    Cet article me parle ! maman d’une ado de 15 ans, HPI « diagnostiquée » à 8 ans… et désormais en panique : jusqu’ici elle n’a jamais eu besoin de travailler, et se retrouve presque inévitablement en échec scolaire au lycée… je ne sais pas quoi faire : lycée privé, rigoureux, mauvaises notes, désengagement, incapacité à travailler, pb de méthodes, démotivée… suivi par psy depuis peu.
    quoi faire ? vers qui s’orienter hormis le psy ? merci pour votre aide….

    1. Bonjour, je suis dans le même cas avec mon fils de 14 ans en Seconde. Il semble démotivé et semble se tourner vers des voies qui lui semblent plus faciles comme un bac pro ou technologiques. J’ai peur que cela ne règle pas du tout son problème.
      Je suis comme vous à chercher qui pourrait l’aider et nous aider à trouver (retrouver) un équilibre.

  3. Bonjour Caroline,

    Il faudrait dans un premier temps comprendre ce qui le démotive ?
    Le lycée est un cap avec beaucoup de changement, tant au niveau des méthodes de travail que de la quantité de travail à fournir. Certains hpi qui allaient bien jusque là peuvent éprouver des difficultés de compréhension, de rythme, se trouver confrontés à une effort qu’ils n’avaient pas besoin de fournir jusqu’ici.
    Il peut à l’inverse aussi avoir beaucoup misé sur le lycée pour en faire plus et être finalement déçu.
    Vous dit-il ce qui le chagrine ?

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