Dans sa dernière chronique, Arielle Adda s’interroge sur le choix de quelques-uns des énoncés habituellement utilisés pour désigner le haut potentiel intellectuel, et sur les risques que leur usage peut engendrer.
Les termes tels que « atypique » ou « doué » sont, à mon sens, trop vagues pour réellement désigner les enfants à haut potentiel intellectuel : on peut être atypique de nombreuses façons, de même que l’on peut être doué dans n’importe quel domaine, sans être à « haut potentiel intellectuel » pour autant. Certes, ces termes expriment le fait d’être hors-norme, mais ils peuvent aussi bien s’appliquer à des personnes qui se détachent du lot autrement que par leur intelligence ou leur fonctionnement particulier.
Les enfants à haut potentiel « stables », soit sans difficultés scolaires ni ennui, bien intégrés socialement, ayant des amis et, globalement, une vie quotidienne sans problème autres que ceux du commun des mortels, n’ont nul besoin qu’on leur donne une dénomination particulière : celle-ci, quelle qu’elle soit, ne ferait que leur ajouter une pression inutile ou les exclure du groupe.
Ces enfants doués ne seraient pas loin de subir leur sort comme on subit une sorte de malédiction, uniquement parce qu’on leur a attribué un qualificatif, censé les définir et donner à leur entourage un mode d’emploi spécifique, alors qu’ils ont l’impression qu’ils ne se débrouillaient pas si mal jusque-là.
À l’inverse, le fait de mettre un nom sur ce que des enfants mal adaptés ou en difficultés peuvent ressentir à longueur de temps permet, au minimum, de comprendre d’où leur vient ce mal-être. L’identification n’est évidemment pas une solution miracle instantanée, mais elle donne des pistes à explorer, des idées et des outils pour mieux accompagner l’enfant. En cela, l’expression « haut potentiel intellectuel » semble plutôt appropriée, puisqu’elle exprime toutes les possibilités qui se présentent à l’enfant, tout le potentiel qu’il détient.
Alors certes, s’il ne parvient pas à triompher de ses difficultés, il pourra avoir l’impression d’avoir gâché ses capacités, ce potentiel qu’on lui vantait tant. Il convient donc de ne pas lui mettre la pression et de se servir de toutes les réponses fournies par son identification pour l’aider à surmonter les obstacles auxquels il fait face. Je ne pense donc pas que le problème réside dans la formulation de la dénomination choisie, mais dans ce que l’on en fait. L’expression « haut potentiel intellectuel » est encore trop utilisée pour dénigrer ceux qui en sont dotés : « S’il est si intelligent… ». Il est souvent plus facile de nier la réalité que d’aider ou de s’en accommoder, y compris pour l’enfant lui-même.
Les enfants concernés n’ont pas du tout envie de prendre ce chemin, mais, bien évidemment, ils se leurrent en pensant qu’ils ont le choix. Le sentiment d’une différence, parfois massive, parfois subtile, est impossible à ignorer, le nier place celui qui s’obstine dans son refus dans une situation encore plus difficile.
L’enfant, qui craint d’être trop différent, d’être mis à part, exclu par ses camarades, décide de nier ce qu’il est. Il manifeste alors un véritable syndrome de l’imposteur, réfutant en bloc toute allusion à ses capacités, à ses réalisations, quitte à les attribuer à la chance ou au hasard plutôt que de voir se profiler, dans un coin de sa tête, l’éventualité qu’il puisse être « atypique ». Il en résulte logiquement une considérable baisse de confiance en soi, qui ne pourra que l’enfermer davantage dans l’idée que ses proches se trompent et qu’il n’a rien de spécial.
Le syndrome de l’imposteur est très difficile, pour ne pas dire impossible, à résorber, et peut encore se manifester chez l’adulte, dans sa vie sociale comme professionnelle. Il est donc important de tout faire pour éviter que cela se produise, à commencer, encore une fois, par ne pas mettre la pression à son enfant. Il faut lui expliquer, le rassurer : oui, il a un mode de fonctionnement différent, il le constatera probablement lui-même, et non, ce n’est pas un mal, mais un atout. Libre à lui de le prendre en main comme il le souhaite, accompagné au mieux par ses proches.
Terminons cet article sur le conseil de fin de chronique d’Arielle Adda :
Expliquer à l’enfant qui se révèle doué l’avantage de toutes les possibilités qui s’offrent à lui, ce n’est pas un enfermement dans une catégorie, mais une ouverture sur de multiples routes parmi lesquelles il choisira celles qui l’attirent le plus, sans restriction. La fréquentation de semblables est conseillée, elle seule permet la véritable amitié, mais sans se penser obligé d’insister sur cette similitude.
Lire la chronique d’Arielle Adda en entier sur le site du Journal des Femmes.