Je vous propose aujourd’hui d’écouter le podcast de l’émission VivaCité de mercredi dernier, avec Vincianne Maréchal, enseignante en français, coach scolaire, maman de cinq enfants dont trois identifiés à haut potentiel et diplômée comme intervenante auprès des enfants et des adolescents à haut potentiel. Elle a pu constater au cours de son travail les multiples différences que présentent les enfants à haut potentiel, leurs besoins et le manque de solutions apportées par les enseignants, souvent démunis face à ces particularités. Vous pourrez aussi en retrouver la transcription après le lecteur ci-dessous.
Vous connaissez l’enseignement bien entendu, de par votre expérience et vos enfants qui sont dans des écoles différentes… En vous redemandant une définition résumée de ce qu’on appelle le haut potentiel, qu’est-ce qui démunit un enseignant face à un enfant comme celui-là ?
Vincianne Maréchal : C’est d’abord le manque de formation sur le sujet : quand on entend « haut potentiel », on pense que c’est un enfant qui va naturellement réussir à l’école, mais c’est loin d’être le cas. Sur les haut potentiels que j’ai déjà rencontrés, certains réussissent heureusement bien et savent s’adapter au système scolaire, mais il y en a pour lesquels c’est beaucoup plus compliqué. Certains ne termineront même pas leurs études secondaires, à peu près un tiers d’entre eux, ou vont redoubler un an ou deux. Ce n’est pas toujours évident pour le jeune de s’adapter au système scolaire.
Ce n’est donc pas une question d’intelligence ou de compréhension, c’est simplement l’adaptation à ce qu’on lui demande, au travail qu’on lui demande de fournir ?
Oui, exactement, ils ont un autre raisonnement. Là où le professeur souhaite un raisonnement structuré ils vont en proposer un autre. Ils ont par exemple beaucoup de difficultés avec le par-cœur parce que, pour eux, ça manque de sens. Ils aiment bien les choses qui ont du sens, de la créativité, ils aiment pratiquer l’humour, et certains m’expliquaient que l’lorsqu’ils posent une question en classe sur une incompréhension par rapport à un point de la matière, quand le professeur redonne la même explication il me disent avec justesse « On ne va pas davantage comprendre puisque tu l’as déjà expliqué de cette façon-là, donc moi j’ai besoin d’une autre forme d’explication, sous un autre angle ». Je trouve que les questions qu’ils soulèvent sont tout à fait pertinentes et intéressantes pour l’enseignement, mais malheureusement nous n’avons pas été formés à cela dans notre cursus au départ.
Est-ce qu’il est important de repérer un enfant hp dans une classe, d’y prêter attention le plus tôt possible ?
Oui, surtout s’il est en difficulté. S’il va bien, il passera sans aucun souci ces différentes étapes, mais s’il ne va pas bien, c’est important pour lui parce qu’il peut vraiment se dévaloriser, penser qu’il est bête, qu’il n’y arrivera jamais et donc se décourager. Si par exemple je vous lâche dans la ville de Paris avec un plan de Rome, vous n’allez pas vous y retrouver, par contre avec un plan de Paris vous vous y retrouverez. Donc il faut avoir une bonne lecture de soi, se connaître, voir nos points forts et nos difficultés et s’appuyer sur les points forts pour pallier les difficultés.
Vous parlez de grille de lecture, c’est un bel exemple que vous venez de donner, grille de lecture et arborescence ; ce sont des choses que vous utilisez vous-même puisque je pense que vous-même êtes hp, alors qu’est-ce que c’est exactement cette arborescence, cette grille de lecture différente ?
Disons que quand quelqu’un vous parle d’un sujet, vous allez ouvrir un deuxième fichier, et ce de façon linéaire. Quand on fonctionne en arborescence, on va partir d’une phrase et ouvrir cinq fichiers, qui eux-mêmes en ouvriront dix, et cætera. Vous imaginez donc la potentialité de ce qu’il peut se passer dans nos esprits. D’où l’élève évidemment plus vite distrait en classe parce qu’il est parti sur quelque chose de beaucoup plus loin que ce que le professeur aborde. La difficulté est donc de rester concentré sur le sujet de base et d’assimiler cette structure attendue par l’école.
Comment se fait-il que vos cinq enfants soient chacun dans une école différente ? Est-ce que c’est un message positif adressé à l’enseignement, est-ce que chaque enfant a un ressenti différent sur chacun des enseignements.
Oui, tout à fait. Je part du principe qu’il n’y a pas de bonne ou de mauvaise école, il y a l’école où votre enfant s’épanouira. Dans le cas des miens, j’ai une fille qui n’avait vraiment aucune goût particulier pour un domaine ou un autre, je l’ai donc mise dans une école qui proposait beaucoup d’option. Un autre qui avait besoin de nourriture intellectuelle est allé vers un enseignement en immersion, par exemple. Ce que je dis est évidemment valable pour les hauts potentiels, mais aussi pour tous types d’enfants quels qu’ils soient.
Venons-en à votre travail d’accompagnement. Dans vos coachings avec des étudiants plutôt de niveau secondaire, vous guidez les élèves sur la gestion des émotions, la confiance en soi, la méthode de travail… Tout ça part d’une page blanche à écrire ensemble, est-ce qu’il ne faut pas déprogrammer des choses que l’enfant a essayé de mettre en place sans y arriver ?
Parfois c’est le cas. Mais d’abord, dans mon travail quotidien, je vais faire alliance avec le jeune, parce qu’il faut qu’il se sente en sécurité, compris et qu’il puisse se confier pour que je puisse voir comment il fonctionne, les hauts potentiels étant tous différents. Puis je l’interroge sur ses émotions, car une fois qu’on reconnaît l’émotion on peut l’apaiser et l’aborder autrement. Ensuite on va vers les besoins, les forces et les difficultés par rapport à l’enseignement et comment s’en sortir avec le par-cœur, le manque de structure, la distraction…
Ce sont des clés que vous leur donnez qu’ils vont pourvoir utiliser, des moyens pour y parvenir ?
Disons que je n’ai pas de baguette magique, je ne sais pas changer le monde pour eux, et d’un autre côté il est important qu’ils s’intègrent dans la société parce que l’enseignement est une micro société ; c’est donc important pour eux de comprendre quels en sont les différents enjeux. Les outils peuvent être, dans le cas de l’anxiété par exemple, la méditation, les huiles essentiels, la recherche sur la confiance en soi en prenant éventuellement les parents à témoin pour donner les qualités de leur enfant qui est parfois surpris de voir tout ce que l’on peut déceler chez lui… C’est toujours très gai, en tout cas.
Des choses qu’ils vont pouvoir utiliser par eux-mêmes donc. Est-ce que l’accompagnement dure longtemps, est-ce que cette mise en confiance est importante sur le long terme ?
Ça dépend totalement des personnes. On peut le faire en une séance avec certains là où d’autres en prendront cinq ou six. Ce n’est jamais très long en tous les cas. L’objectif est vraiment de se connaître pour repartir, je ne fais pour ma part que donner des pistes qui parfois fonctionnent, parfois ne fonctionnent pas, auquel cas on en essaie d’autres. Rien n’est grave, et on apprend toujours.
On ne se rend pas compte du pourcentage d’enfants identifiés comme hauts potentiels dans une classe, jr cois qu’aujourd’hui c’est évalué à environ cinq pour cent ?
Oui, plus ou moins, ce qui équivaut à un ou deux élèves par classe.
Vous êtes à Jupille-Sur-Meuse et enseignez à Verviers, ce sont donc des parents et enfants de la région que vous accompagnez principalement. Quel âge faut-il avoir pour venir vous voir ?
J’ai déjà eu tous types d’âges, des enfants en primaire comme en secondaire, parfois même en supérieur. Jusqu’à un certain moment la mémoire, qui est très facile chez les hauts potentiels, suffit, puis à un moment donné elle ne suffit plus, et c’est alors qu’ils viennent me demander « Comment dois-je étudier ? ». On cherche donc une bonne méthode de travail.
Si l’on veut vous trouver, vos postez de temps en temps des informations sur votre page facebook « Détours croisés ». Je pense que vous avez beaucoup de travail en ce moment au niveau de l’enseignement, les activités sont peut-être un peu au repos avec la période actuelle ?
D’un point de vue personnel, je n’ai effectivement pas de bureau à titre indépendant ais je travaille dans mon école et je n’arrête pas, et pas seulement pour les élèves à haut potentiel mais aussi pour les autres.Et avec le confiement, vous imaginez bien que les émotions et l’anxiété sont grandissantes.