A travers la découverte du haut potentiel de leurs enfants, de nombreux parents se posent la question de leur propre singularité et finissent par pousser la porte du psychologue afin de lever le doute qui les taraude.
Se découvrir haut potentiel a posteriori, un cheminement parfois long et sûrement bouleversant.
Nous vous proposons, sous la plume de Didier Bertrand, de découvrir le récit en trois épisodes successifs de ce parcours de vie.
Cette semaine, la première partie sera consacrée à la découverte du haut potentiel et au test.
L’identification du haut potentiel, à travers ce fameux test, est souvent redoutée ou accompagnée de fortes angoisses. Nous sommes convaincus que, pratiquée dans de bonnes conditions, elle est nécessaire et salutaire pour l’avenir des adultes en construction que sont nos enfants. Didier Bertrand partage notre avis et l’exprime admirablement bien sous cette formulation :
Cette validation extérieure est un socle que l’on vous glisse sous les pieds alors que vous marchiez dans les sables mouvants, sans même le soupçonner.
Didier Bertrand
Nous laissons la parole à Didier Bertrand…
N’hésitez pas comme d’habitude à nous dire si ce témoignage vous parle (je suis presque sûre que oui !) et nous dire si vous avez envie de lire la suite. L’épisode n°2 portera sur l’intégration et la maturation de cette révélation, et l’épisode n°3 sur le passage à l’acte, devenir écrivain pour Didier Bertrand.
Didier BERTRAND, d’ingénieur à écrivain de romans à suspense qui font du bien
Je vous livre ici la première partie d’un témoignage en trois parties sur mon cheminement de plusieurs années déclenché par la révélation du haut potentiel, première étape indispensable à l’accomplissement de soi. Ou comment le test d’identification se révèle un outil libérateur et permet, in fine, de changer de vie.
« Être parent, la catastrophe totale. Quand nous devenons parents, délibérément ou par hasard, toute notre vie est bouleversée, même s’il nous faut du temps pour comprendre à quel point. » Jon Kabat-Zin, le père de la méditation pleine conscience, évoque le stress et les défis de la parentalité. Puis il conclut : « Avoir des enfants nous permet de profiter des palpitations de la vie comme jamais nous ne le pourrions s’ils ne faisaient pas partie de notre existence. »
Des palpitations ? Le mot est faible ! Il ne se doute pas de l’effervescence tumultueuse que provoque l’arrivée d’un enfant précoce. Mon fils, en particulier, demeurait une énigme. Ce qui est sûr, c’est qu’il était différent, mais quelle sorte de différence ? Plusieurs années de suite, nous avons relevé les indices et étudié toutes les pistes jusqu’à déboucher un jour sur l’hypothèse de la précocité. À l’époque du CE2, nous avons discuté de ses caractéristiques avec sa maîtresse, sans jamais user du terme « précocité ». Quelques jours plus tard, en la recroisant à l’école un matin, elle me lance, comme ça, en passant : “Et vous, vous ne vous êtes jamais senti différent ?” Elle m’a pétrifié sur place telle une Gorgone et s’en est allée vers sa classe.
Je me suis toujours senti différent. À part. En marge. Décalé. J’avais été un petit garçon solitaire qui cherchait à se fondre dans le décor et à imiter les autres en riant avec eux quand lui ne trouvait rien de drôle, pour rompre sa solitude. Un garçon qui cherchait à ne pas faire de vague en se fondant dans la masse, jouant au caméléon, et qui regrettait souvent d’être le premier de la classe. Cela isole et stigmatise, d’être le premier dans une classe. Un garçon qui à l’âge de douze ans a décidé de ne plus rien ressentir, car les émotions formaient un tourbillon douloureux et exténuant qui fendillait sa carapace.
Je faisais partie de ces enfants précoces et de ces adultes qui se construisent un faux self et vivent dans le voile de la réalité, et qui se sont si bien adaptés à ce voile qu’à aucun moment ils n’ont conscience de s’y être empêtrés.
Il est incroyable, a posteriori, qu’après avoir tant recherché et appris sur le haut potentiel appliqué à mon fils, il ne me soit jamais venu à l’esprit que je remplissais également tous les critères d’une personne à haut potentiel. Pendant des années, je n’y ai jamais songé pour moi. Les constructions internes sont puissantes. C’est parce que modifier la perception que l’on a de soi-même peut être un processus douloureux et incertain qu’un révélateur extérieur est nécessaire à la prise de conscience.
Briser la carapace ne peut se faire seul : un livre, un récit, un documentaire, un article d’EPI ou une maîtresse-gorgone sont des détonateurs dont il serait difficile de se passer. Le regard de l’autre est indispensable. J’en suis resté désemparé, le doute s’opposait à la conviction intime. Étais-je réellement une personne à haut potentiel intellectuel ?
Alors s’est imposée la pensée du test, de plus en plus puissante. Le test WAIS permettrait de lever tout doute, mais… si j’échouais ? J’ai craint un verdict qui aurait balayé ma certitude et m’aurait laissé à terre, écartelé entre ma croyance intérieure et un avis extérieur niant ce haut potentiel. Mais je savais aussi que cette question « suis-je un zèbre ? » me tarauderait tant que je n’aurai pas de réponse officielle. Le besoin de savoir et d’avoir une réponse définitive fut une force irrépressible.
Je suis maintenant un fervent partisan du test menant à un diagnostic, quel qu’il soit. Il n’y a rien à perdre. Que l’on soit haut potentiel ou pas, passer le test permet d’apprendre sur soi et d’approfondir son mode de fonctionnement. On gagne à tous les coups. En outre, passer ce test est une expérience ludique…
Étant un haut potentiel en puissance, le test permet de s’ancrer dans une nouvelle réalité bien mieux qu’une conviction intime. Le fait de voir se confirmer ou s’infirmer le diagnostic permet d’avancer. Passer le test permet d’éliminer les dernières zones d’ombre, de supprimer les flous, les doutes et les hésitations. Et surtout, se voir reconnu comme haut potentiel dans les yeux du psychologue inconnu qui effectue la passation est un instant extraordinaire. J’ai versé une larme imprévue. Cette validation extérieure est un socle que l’on vous glisse sous les pieds alors que vous marchiez dans les sables mouvants, sans même le soupçonner. Tout va bien mieux après. Certains ne ressentent pas le besoin de passer ce test d’identification, mais dans mon cas, il a constitué la dernière pierre posée au sommet de l’édifice interne que je m’étais construit. Le test permet de dépasser conviction personnelle. Mais il faut le passer pour le savoir.
Alors ? Et ensuite ? Ensuite il faut mûrir cette révélation, cette nouvelle donnée… Mais sans ce diagnostic de haut potentiel, je ne serais jamais devenu écrivain et n’aurais jamais trouvé mon ikigai.
J’aimerais conclure en disant que je ne connais pas de moteur plus puissant que nos enfants pour nous faire grandir et nous révéler à nous-mêmes.
Didier BERTRAND est écrivain et a publié quatre romans mêlant suspense, voyage, humour décalé, références détournées et jeux de mots. N’hésitez pas à aller découvrir son site et ses romans : https://didierbertrand.com