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QI : quand la double exceptionnalité questionne la pratique des tests

Les difficultés scolaires mèneraient-elles trop facilement à l’hypothèse de la douance ? Au Québec, des neuropsychologues lancent un appel à la prudence et une affaire judiciaire en cours relance le débat. Voici notre avis sur la question.

Des questions polémiques émanent du Québec et concernent surtout les critères de validité de tests de QI. Une grande figure québécoise de la douance principalement est mise en cause, dans sa pratique antérieure, pour non respect des règles de l’art selon ce que l’on peut lire dans l’article complet publié dans la presse canadienne que vous trouverez à la suite de cet article.

Nous ne portons aucun jugement particulier sur cette affaire en cours ni sur la qualité de la neuropsychologue visée, à laquelle nous avions d’ailleurs récemment consacré un article.

La question qui mérite par contre d’être soulevée est celle du fondement du débat.

Celui-ci intervient en effet dans un contexte d’accroissement des demandes d’identification de la douance ; elles précéderaient trop facilement la réalisation d’autres bilans dès lors que les enfants présentent quelques difficultés scolaires. Pour simplifier, il y aurait une tendance au sur-diagnostic de la douance constaté par des praticiens qui, pour en parler, ont constitué une formation accréditée par l’Ordre des psychologues du Québec intitulée « La douance à outrance, il est temps de remettre les pendules à l’heure ».

Ceux-ci alertent sur :

  • les conditions éthiques de la passation des tests (cadre, temps de réalisation, critères de réussite des épreuves)
  • l’augmentation des motifs de consultation pour évaluation de la douance pour des raisons déficitaires (enfant en difficulté scolaire, opposant, inattentif, provocateur, agité…) : cette possibilité est questionnée trop rapidement et très souvent.
  • rappellent que la douance (ou haut potentiel) reste une particularité rare trop vite évoquée selon eux face à certaines formes d’ennui scolaire en particulier.

L’autre point sensible de la controverse porte sur le testing des limites, praticable lorsque les enfants présentent des troubles associés :

Le testing des limites, c’est aller au-delà des limites normales du test pour permettre de mieux comprendre le fonctionnement de la personne et mieux cibler l’intervention […] Ça ne doit toutefois pas être considéré dans le calcul du QI.

https://www.lapresse.ca/actualites/sante/2023-06-02/neuropsychologie/une-pionniere-de-la-douance-visee-par-cinq-chefs-d-infraction.php

Pour Mme Bélanger, ses collègues n’ont « pas tort de penser ça ». « La douance, c’est un QI en haut de 130. Ça en fait partie. On le sait. Mais ce n’est pas que ça maintenant », dit-elle, en disant se baser sur la littérature scientifique. Elle plaide aussi que la double exceptionnalité n’a pas les mêmes particularités que la douance.

https://www.lapresse.ca/actualites/sante/2023-06-02/neuropsychologie/une-pionniere-de-la-douance-visee-par-cinq-chefs-d-infraction.php

Nous relayons cet article, non pas pour nous positionner en faveur des uns ou des autres, mais pour soulever certains points de vigilance que nous pourrions avoir tendance à oublier ou méconnaître.

Quand suspecter un haut potentiel ?

En premier lieu le motif de consultation lorsqu’on suspecte un haut potentiel me semble être un point très pertinent : a priori le haut potentiel, tel qu’il est révélé par des tests de QI, est un indicateur qui met en avant des capacités intellectuelles fortes (et hors norme) de raisonnement, de compréhension, verbales… C’est le constat de ces aptitudes ou le décalage favorable par rapport aux aptitudes de la moyenne (d’une classe d’âge en particulier en ce qui concerne la scolarité) qui devrait mener au questionnement.

Or il n’en reste pas moins que cet écart, lorsqu’il existe, n’est pas facilement repérable dans le contexte scolaire et peut perdre de la visibilité au bénéfice d’éléments plus apparents qui sont les résultantes d’une inadaptation liée justement à ce haut potentiel (ennui, agitation, provocation…). La vraie question est celle des moyens et outils mis en œuvre par le corps éducatif pour non seulement repérer ces enfants le plus tôt possible mais aussi leur donner l’opportunité de s’épanouir. Avec notre aîné par exemple, nous avons mis environ 1 an et demi à procéder à divers bilans et recherches avant de trouver la réelle raison de son inaction et de son peu de participation à l’école. Après coup, la psychologue scolaire qui l’avait vu pour sa première visite nous a dit quelle avait bien remarqué qu’il avait un niveau de langage allant bien au-delà de celui de son âge. Ce point précisément aurait dû déclencher un questionnement de la part du corps éducatif et une discussion avec nous, ses parents, au moins…

Ensuite nous pouvons nous interroger sur la volonté de repérage et l’accompagnement proposé : ce sont justement les manques en la matière qui ont entraîné une plus grande communication afin de justifier les besoins de ces enfants. Si cette communication est importante et justifiée, elle a dû s’appuyer sur les conséquences néfastes pour l’enfant à haut potentiel du peu de prise en charge scolaire qui se manifestent par les mêmes troubles évoqués précédemment, voire par de l’échec scolaire. Nous retombons fatalement dans ce cercle peu vertueux qui met en avant des difficultés et non pas des forces.

De là à associer haut potentiel et difficultés, il n’y a qu’un pas. Nous ne pouvons par conséquent pas blâmer des parents en recherche de solutions pour leurs enfants de prendre certains raccourcis.

Je me demande d’ailleurs si cette image d’enfant en difficulté, réelle ou future, n’est pas celle véhiculée désormais dans l’imaginaire collectif dès lors qu’on parle de haut potentiel ?

Pourquoi identifier un enfant à haut potentiel ?

Dans un monde idéal où l’enfant doué s’épanouirait à l’école, nous n’aurions pas besoin de test. Un enfant doué est censé s’adapter à l’école et y trouver son compte. La réalité est plus complexe pour de nombreuses raisons (rythmes, programmes, hétérogénéité des classes, trouble associé…) et le décalage vécu par les enfants à haut potentiel non pris en charge est source d’inadaptation. C’est une réponse à cette inadaptation qui est recherchée à travers les tests. Ceux-ci doivent bien sûr répondre à un questionnement précis, compris et analysé par un professionnel compétent qui respecte les conditions éthiques de passation afin que les résultats soient fiables et révèlent éventuellement d’autres troubles associés auxquels il faudra aussi apporter une réponse.

L’effet paradoxal de la reconnaissance du haut potentiel et des besoins associés, aujourd’hui, est que l’adaptation qui s’en suit rend quasiment obligatoire la passation d’un test de QI, sésame sans lequel il ne se passera rien. Les enseignants sont ainsi délestés de leur responsabilité d’encadrement qui est d’accompagner l’enfant au mieux de ses capacités et de mettre en œuvre tous les moyens pour y parvenir, car d’emblée les mesures proposées doivent être justifiées par un test, sous peine de prendre des risques inconséquents. Personnellement je trouve cela triste et dommageable dans la mesure où ça les empêche de prendre de simples initiatives et de se fier à leur bon sens, de tester avec l’enfant, en toute autonomie, différentes choses, même temporaires, pour voir ce qui pourrait fonctionner. Car finalement, les parents, à travers les tests, ne cherchent qu’à mettre en évidence un besoin qui n’aura pas été satisfait ou reconnu dans le cadre institutionnel.

Si le corps éducatif et tous les acteurs du milieu scolaire s’emparaient plus et mieux du sujet, avec les bons outils et questionnaires d’évaluation, les maux seraient peut-être moindres et la hausse des demandes d’identification, aussi fondée soit-elle, n’aurait été que temporaire…

Rareté du haut potentiel

En effet, il est bon de rappeler que le haut potentiel est un « phénomène rare », rareté qui explique sans doute la difficulté à l’accompagner et en comprendre les implications. J’aurais envie de dire que l’ennui, dont parle Mme Guay dans le podcast joint, lorsqu’il est le seul signe de « difficulté scolaire », n’est pas à négliger car il revêt une forme aussi rare que le haut potentiel et mérite d’être comblé.

Dans les cas de haut et très haut potentiel, attention à l’ennui qui guette au-delà des apparences !

La solution pour remédier plus facilement aux besoins liés au haut potentiel est peut-être justement d’admettre, définitivement, cette notion de rareté, afin de pouvoir prendre, en toute légitimité, des mesures exceptionnelles ou rarement mises en œuvre ?

Une maman exprimait récemment la volonté de son fils, très bon élève, haut potentiel, testé, ayant sauté 2 classes mais qui s’ennuie encore énormément, de sauter une troisième classe, volonté jusqu’ici non consentie par le corps éducatif. N’est-ce pas là une mesure justifiée, exceptionnelle, à prendre en compte pour un enfant rare, et surtout pour son bien-être ?


Au-delà des polémiques, nous disons merci à toutes les personnes qui s’engagent et témoignent pour faire en sorte que le haut potentiel soir reconnu et accepté dans la société pour le bien de nos enfants.

Pour mieux l’accompagner à l’école, n’hésitez pas à vous procurer notre guide à destination des enseignants dans sa version remaniée :

Ce guide, déjà diffusé à plus de 15.000 exemplaires, est spécialement destiné à informer les enseignants sur l’élève à haut potentiel intellectuel, son identification et sa prise en charge à l’école. Il peut être remis directement à l’enseignant de votre enfant ou vous servir de base d’argumentation si vous avez à mener une discussion avec un enseignant.

Pour compléter cet article, dites-nous si vous avez eu besoin de tests ou bilans plus complets pour mieux comprendre vos enfants ?

Lire l’article en entier : http://www.lapresse.ca/actualites/sante/2023-06-02/neuropsychologie/une-pionniere-de-la-douance-visee-par-cinq-chefs-d-infraction.php

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