Il n’est pas facile, lorsqu’on est à haut potentiel intellectuel et qui plus est quand on est encore jeune, de trouver sa place, et pour cause : un enfant surdoué diffère par définition de la norme sur laquelle est basée la société. Sa curiosité et ses capacités de raisonnement sont généralement plus importantes que celles des autres, et cela a tendance à surprendre, à dérouter son entourage qui ne sait comment réagir.
On oublie vite son âge réel, on ne le considère pas non plus comme un enfant qui serait seulement plus âgé : ses remarques, ses questions, les raisonnements qu’il développe sont aussi très rares chez la plupart des enfants.
Notons au passage que, dans le cas d’un premier enfant, les parents ne se rendent pas forcément compte rapidement de la différence de leur enfant. N’ayant pas l’expérience de l’éducation d’autres enfants, ils ne sont pas nécessairement en mesure de faire le lien entre l’âge de l’enfant, ce qu’il est censé être capable de faire et ses capacités réelles. Tout au plus peuvent-ils s’interroger : « Est-ce normal qu’il lise si tôt ? Qu’il s’interroge tellement ? etc. » et recueillir des avis extérieurs. Ce n’est qu’en le comparant à d’autres enfants du même âge (et, éventuellement, en le faisant tester par la suite) que l’on peut réellement constater qu’il semble « précoce » dans ses remarques et même son comportement en général.
Quoi qu’il en soit, il est important que les parents, comme le reste de l’entourage d’ailleurs, s’arment de patience face à la curiosité de ces enfants. Il n’est évidemment pas facile de répondre à tout, ne serait-ce que parce qu’on ne peut pas tout savoir ; cependant, il faut s’efforcer de lui répondre dans la mesure du possible, ou au moins l’orienter vers d’autres sources d’informations afin de ne pas le décourager, sans quoi il se murera petit à petit dans le silence.
Les adultes ne sauraient donc pas répondre à toutes les questions et le voilà, sans l’avoir voulu et sans même y avoir songé une seconde, dans un rôle de perturbateur, dérangeant la tranquillité de ceux dont il attendait tout.
Petit à petit, car sa réflexion passera avant par d’autres phases. Ne voulant pas déranger ses parents et se voir opposer un refus ou une réponse évasive, il commencera par se demander si sa question mérite réellement d’être posée, si elle présente vraiment un quelconque intérêt, pour lui mais aussi pour son entourage. Finalement, il risque de garder pour lui la plupart de ses interrogations, soit parce qu’il ne trouve pas le moment approprié pour les poser, soit parce qu’il lui semble que ses parents ne seront pas attentifs à sa demande ou simplement pas en mesure de lui répondre. Pour Arielle Adda, ce raisonnement finirait par lui créer une sorte d’armure, de blindage le protégeant des critiques qui le visent et filtrant, à l’inverse, ses propos qu’il finit par juger lui-même trop spontanés.
Ce filtre constant qu’il est contraint de conserver peut lui donner le sentiment de flotter entre deux univers : le sien propre avec son environnement familier où il peut se conduire à peu près normalement, et le monde extérieur, qui commence à l’école, où il ne faut pas baisser sa garde.
D’après Arielle Adda, ce filtre ne se perd pas chez les adultes : il influence leurs études, leurs parcours professionnels et même leurs relations amicales et leur vie en société. L’habitude qu’ils ont de gérer leur curiosité et de réfléchir à leurs réponses, désormais profondément ancrée, ne facilite évidemment pas la discussion et la construction de liens, alors même qu’elle peut les amener à étudier plusieurs domaines à la fois, poussés par une soif de connaissance qu’ils ont toujours dû réfréner en public.
Comme à son habitude, Arielle Adda livre son conseil de fin de chronique :
Quand un enfant présente des signes patents d’avance et qu’il est difficile à cerner, il est préférable de lui faire passer un test avec un psychologue au fait de ce type d’enfants. On hésite moins à le guider sur le chemin de la connaissance en sachant que rien ne le rend plus heureux et on tient compte de cette armure, nécessaire pour lui.
Lire la chronique d’Arielle Adda sur le site du Journal des Femmes