Le haut potentiel intellectuel, un gage de réussite scolaire ? Au premier abord nous sommes évidemment tentés de dire oui, mais l’expérience montre que cela s’avère parfois plus compliqué.

L’enfant à haut potentiel est désormais reconnu comme un élève à besoins particuliers dont la prise en compte effective favorisera un meilleur épanouissement scolaire. Ceux-ci sont recensés dans le vademecum « Scolariser un élève à haut potentiel » publié le site Eduscol du ministère de l’Education nationale. Nous avons parallèlement fait paraître un guide destiné aux enseignants intitulé « Identifier et accompagner l’élève à haut potentiel« , enrichi dans sa dernière version de conseils de professionnels de l’éducation acquis à la cause des élèves à haut potentiel.

A l’instar du Professeur O, dévoué pleinement à ces élèves, nous vous proposons aujourd’hui la publication de l’intégralité de la contribution de Nelly Dussausse, directrice de l’Ecole Georges Gusdorf et auteur de l’ouvrage « l’enfant à haut potentiel est un enfant comme les autres« .

L’enfant à haut potentiel est un enfant comme les autres

On les dit surdoués, précoces, à haut potentiel intellectuel… On les considère comme des élèves particulièrement performants destinés à faire partie de l’élite ou on les envisage comme des enfants à problèmes, insolents, bizarres, voire des cancres inadaptés à l’institution scolaire. Au-delà du mythe et des clichés, qui sont ces enfants ? Comment comprendre leur fonctionnement et les aider à trouver une vraie place, la leur, sans pathos ni fascination ?

Nous apprécions tout particulièrement sa vision qui s’attache à intégrer la personnalité de cet élève au sein du groupe afin qu’il s’en sente faire partie intégrante malgré ses décalages.

Accompagner l’élève HP par Nelly Dussausse pour EPI

Les élèves à haut potentiel suscitent de nombreux malentendus et ont tendance à agacer. Pour réussir à les accompagner, comme n’importe quel autre élève, il faut commencer par se défaire des représentations que l’on en a et les considérer comme des enfants ou des adolescents, comme les autres, malgré leurs besoins spécifiques d’élève. L’essentiel est donc qu’ils trouvent leur place parmi leurs pairs, sans pour autant être obligés de gommer ou surjouer ce qu’ils ressentent de décalage pour être reconnus.

Nelly Dussausse, identifier et accompagner l’élève à haut potentiel

Lorsque l’élève rencontre des difficultés malgré son haut potentiel

Un élève à haut potentiel n’a pas de difficulté d’apprentissage qu’il ne puisse surmonter seul ou avec l’aide de son professeur. S’il écrit mal, ou peu, ou refuse d’écrire, ce n’est pas parce qu’il ne veut pas faire l’effort, c’est parce qu’écrire est très coûteux pour lui. S’il fait des fautes d’orthographe, ce n’est pas parce qu’il s’en moque, c’est parce qu’il n’a pas les ressources pour se concentrer sur la forme en plus du sens. S’il ne rédige pas une phrase réponse complète, mais se contente d’un mot, ce n’est pas par paresse ou provocation, c’est qu’il n’y parvient pas. S’il s’agite en classe et ne tient pas en place, ou parle à tort et à travers, ce n’est pas parce qu’il s’ennuie, c’est parce qu’il est impuissant face à son impulsivité.

Si l’on considère que le haut potentiel de l’enfant explique tout de ses caractéristiques d’élève, on risque de passer à côté de réelles difficultés et de le renforcer dans l’idée qu’il n’a pas sa place à l’école. D’autant plus que lui-même peut avoir le sentiment d’être un imposteur, s’il a, lui aussi, compris que son haut potentiel signifie qu’il est plus intelligent que les autres, alors qu’il constate chaque jour que l’exécution du travail scolaire est coûteuse. Il risque de donner à voir l’image d’un enfant hautain, dédaigneux, désagréable, paresseux ou indifférent pour lequel l’école ou les autres ne présentent aucun intérêt, alors que c’est tout le contraire, plutôt que d’avouer qu’il n’y parvient pas. Il est donc essentiel de comprendre pourquoi l’élève rencontre des difficultés, même s’il possède un haut potentiel, car ce n’est pas cette caractéristique qui les explique. Et cela n’est pas toujours évident à identifier, même par les spécialistes, si le haut potentiel camoufle dans les bilans, une dyslexie, un déficit d’attention, voire un TSA, et même le compense à l’école. Un temps.

L’élève sans difficultés scolaires

Si l’élève à haut potentiel ne rencontre pas de difficultés d’apprentissage, il y a de fortes chances qu’on ne le remarque pas. Il réalise son travail vite et bien, sans poser de problème et cherche avant tout à donner satisfaction, ce qui peut l’amener à s’oublier au profit d’une bonne adaptation. Le risque est alors que l’école ne représente plus pour lui le lieu de l’apprentissage et qu’il passe ses journées à s’ennuyer sans déranger, même s’il peut trouver du sens grâce à la présence de ses amis, sa réussite scolaire ou l’estime de ses professeurs. La situation peut se compliquer s’il ne participe pas, et réussit très bien à l’écrit, car cela peut être interprété comme un manque d’intérêt pour les cours tels qu’ils sont présentés.

La mission de l’école autour de 3 axes essentiels :

Entre l’élève qui accapare l’attention et celui qui disparaît, comment accompagner les élèves à haut potentiel ? L’essentiel étant que l’école accomplisse sa mission auprès d’eux sur trois axes : savoir, savoir-faire et savoir-être.

Axe 1 : les savoirs

Les savoirs, c’est-à-dire les connaissances, ne sont pas l’enjeu pour ces élèves-là. Bien souvent, leur curiosité et la qualité de leur raisonnement les amènent à découvrir les notions avant l’école, surtout si elles relèvent de leur domaine de prédilection. Et s’ils n’ont pas découvert avant, ils comprennent vite. L’accélération est possible, voire nécessaire, dans la phase d’explication des connaissances. Pour eux, il faut passer plus vite à l’application. Dans ce cas, la classe inversée peut être une bonne ressource, ainsi que les cours discutés qui invitent chaque élève à partager ce qu’il sait.

Axe 2 : les savoir-faire :

Les savoir-faire, qui nécessitent la répétition d’une compétence pour l’ancrer, doivent être diversifiés pour maintenir un bon niveau de vigilance et la difficulté peut être augmentée plus rapidement. La pédagogie de projet, qui permet de réinvestir sous une autre forme, peut apporter une réponse adaptée, une fois qu’une application linéaire a permis de valider que la compétence est acquise.

Axe 3 : les savoir-être :

Le savoir-être est l’un des enjeux fondamentaux de l’école pour ces élèves qui peuvent avoir un sentiment de décalage, même lorsqu’ils ne se sentent pas des imposteurs, parfois parce qu’ils ont des centres d’intérêts différents, parfois parce qu’ils comprennent plus vite, parfois parce qu’ils ont un (trop) bon niveau scolaire sans vraiment travailler ou moins que d’autres. Il faut donc être très vigilant pour ne pas accentuer cette différence.

Donner un rôle de tuteur d’un autre élève en difficulté, laisser lire une fois que le travail est terminé ou donner plus de travail pour occuper l’élève peuvent s’avérer être de fausses bonnes idées si elles ne sont pas intégrées à une dynamique de classe et marginaliser l’élève, voire lui donner le sentiment d’être puni, car il a encore plus d’exercices à faire que les autres.

Nelly Dussausse, accompagner et identifier l’élève à haut potentiel

Expliquer, mais moins longtemps. Répéter, mais moins souvent. Différencier, mais globalement. Ce qui implique que l’élève à haut potentiel soit considéré comme un élève à besoins spécifiques comme un autre, dans une classe où chaque élève, ou presque, a des besoins spécifiques au sein d’une pédagogie différenciée qui reconnaît toutes les différences et n’en marginalise aucune. L’école idéale. Beaucoup plus facile à dire qu’à faire avec des classes chargées et des élèves dont les « besoins spécifiques » ne sont pas toujours identifiés.

La nécessaire reconnaissance

Mais il y a une clé, qui n’est pas une recette miracle, ni une pratique pédagogique révolutionnaire : la reconnaissance. Lorsqu’un élève à haut potentiel est identifié comme tel et que la seule difficulté qu’il rencontre est de comprendre et exécuter plus vite que les autres, ce qui est une source d’ennui pour lui, il faut lui parler, lui expliquer qu’on a compris ses besoins et établir une alliance. Puis chercher avec lui quelques solutions parmi celles évoquées, en lui précisant que tout n’est pas possible, car il évolue au sein d’un système collectif, que parfois l’adulte fera un pas vers lui, en adaptant pour lui, de façon individualisée, et que, parfois, il lui faudra faire un pas vers les autres, le professeur ou ses camarades, car il fait partie d’un groupe et qu’à plusieurs, on va moins vite, mais plus loin. Prendre ce temps-là, lui montrer que l’adulte est là pour lui aussi, même s’il n’a pas de difficulté, peut tout changer. Et parfois un clin d’œil suffit.

Nous remercions infiniment Madame Dussausse pour cette contribution empreinte de générosité à l’égard des enfants à haut potentiel. Nous espérons que ses judicieux conseils vous donneront des clés pour bien communiquer avec les enseignants et faire en sorte que vos enfants se sentent le mieux possible dans leurs écoles respectives.