Peut-être que cet article paru dans le magazine Capital sous le titre délibérément critique suivant « Tests de QI, écoles, psychologues, livres… le florissant business des surdoués » ne vous aura pas échappé.
Tout d’abord, il me semble quand même très contradictoire de vouloir dénoncer un possible effet de mode tout en jouant sur les mêmes leviers pour racoler des lecteurs !
Je vous propose de relever quelques éléments soulevés dans l’article, fondés ou non, afin non pas d’alimenter la critique mais d’établir une grille d’analyse qui permette aux personnes qui s’interrogent sincèrement d’avancer sereinement.
Le sujet est introduit ainsi :
Écoles spécialisées, psychologues, fournisseurs de tests de QI, livres à fort tirage… Les « hauts potentiels », devenus très à la mode, font vivre tout un écosystème.
Si réellement un écosystème existait autour du haut potentiel, j’imagine que la question ne se poserait plus. L’identification et la prise en charge seraient soit naturelles soit inutiles, et le haut potentiel serait un non-sujet. Peut-être existe-t-il effectivement un écosystème partiel, médiatique, qui se nourrit des difficultés des uns et des autres, avec des abus à la marge.
Les publications, livres, blogs, sites, conférences… fleurissent : tant mieux, l’information circule. Il existe donc une offre variée, contrairement à il y a une vingtaine d’années, lorsque nous avons créé EPI, permettant à chacun de se faire une première idée. Évidemment la médiatisation s’accompagne des mêmes risques, inhérents aux modes actuels de diffusion de l’information, que pour tout autre sujet. La prudence et la raison face aux excès (principalement financiers) restent de mise.
Qu’untel choisisse par contre en connaissance de cause de consacrer une part de son temps ou de son budget à l’approfondissement d’un sujet qui le préoccupe, à partir du moment où il y trouve une satisfaction voire des réponses, ne semble pas critiquable.
Soyons conscients aussi que, parfois, le témoignage d’une personne au vécu similaire, quelle que soit la forme qu’il peut prendre, sera tout aussi efficace et aura autant d’effets bénéfiques qu’une validation auprès d’un professionnel compétent. L’idée est de pouvoir partager des interrogations, fondées, sur un sujet qui reste malgré tout difficile à aborder tellement il est porteur d’idées préconçues, pour trouver des solutions, sans subir de jugements intempestifs.
En dernier ressort, il reste toujours les tests : qu’en penser ?
Ils sont à ce jour le seul outil permettant d’obtenir une réponse fiable quant à un haut potentiel supposé.
À ce propos, il est utile de savoir à quelle question répondent les tests :
« Plutôt que d’annoncer à la personne qu’elle est surdouée, ce qui pourrait la fasciner ou l’effrayer, je préfère lui indiquer qu’elle possède de hautes capacités intellectuelles et cognitives », indique Stéphanie Aubertin, une psy qui exerce entre Paris et le Vaucluse.
https://www.capital.fr/entreprises-marches/tests-de-qi-ecoles-psychologues-livres-le-florissant-business-des-surdoues-1411483
Ces hautes capacités cognitives et intellectuelles peuvent être sources de décalages, incompréhensions diverses, et en prendre conscience donne un éclairage différent sur des façons d’être, de raisonner ou de réagir qui peuvent parfois paraître surprenantes.
Le test ou la consultation semblent judicieux lorsque les personnes qui s’interrogent (de façon durable et pas depuis la dernière émission de télé ) semblent dotées de capacités cognitives qui s’éloignent de la norme et que cet écart est vécu comme une source d’inadaptation ou de difficulté à s’assagir.
Dans cet esprit, faut-il être opposé à une communication facilitée au sein de l’entreprise ?
De plus en plus de dirigeants de sociétés et de services RH, en charge du recrutement, de l’évolution de carrière ou du référencement de coachs par exemple, commencent à être sensibilisés à la question des surdoués.
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Notons les diverses mises en garde quant aux modes de passation des tests, aux compétences et tarifs des professionnels et à l’utilité des suivis payants.
« Nous n’entretenons de partenariat avec aucun psy, et nous ne décernons de label à personne, martèle la présidente de l’ANPEIP, Frédérique Cluzeau. Lorsque des parents nous contactent, nous nous contentons de les aiguiller vers des professionnels recommandés par plusieurs familles.
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Si l’adulte est capable d’analyse et de recul sur sa vie et ses difficultés, pour l’enfant il est beaucoup plus difficile de raisonner en comparaison par rapport aux autres, car il n’a pas les codes et le vécu nécessaire pour comprendre ce qui le distingue des autres.
Au sein de l’écosystème contribuant au bonheur des enfants, il y a la longue période scolaire ; et malgré les avances des uns et des autres, la scolarité d’une partie des enfants à haut potentiel reste chaotique et aléatoire. Si les offres privées en ce sens pullulent, pour le meilleur et pour le pire, et sont effectivement inabordables pour beaucoup, la prise en charge publique reste insuffisante, malgré l’information grandissante (et peut-être parfois aussi à cause d’une information diffusant une vision difficile ou pathologisante du haut potentiel !).
Pour les vrais hauts potentiels, cette mode a cependant du bon. Depuis une vingtaine d’années, elle a permis de faire progresser considérablement la connaissance de l’enfant – et de l’adulte – surdoué, de démonter un paquet d’idées reçues à leur sujet, et de reconnaître les situations de mal-être dans lesquelles se débattent parfois les possesseurs d’un cerveau trop agile.
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Vous pourrez vous déculpabiliser en complétant la lecture de cet article par la vision de Chloé Romengas, qui a publié sur son blog un beau texte à ce propos, en plus de ses livres que je vous recommande chaudement !
Au lieu de m’interroger sur le business autour du haut potentiel, ma question serait plutôt de comprendre pourquoi, au fond, cette particularité, plutôt favorable dans l’absolu, est devenue problématique.
Bonjour Françoise,
Merci pour votre analyse pertinente et nécessaire.
Pour ne rien vous cacher, parler du HPI comme un effet de mode me dérange beaucoup. J’ai d’ailleurs publié il y a quelques mois un petit article à ce propos sur Linkedin en réaction à certains « détracteurs » du sujet.
Maman d’un enfant (devenu jeune adulte) qui relève du HPI, je ne peux entendre que l’accompagnement de ces enfants ne soient qu’un effet de mode. Si mon fils est encore en vie aujourd’hui (et je suis sérieuse en disant cela), c’est parce qu’il a été bien accompagné par son pédopsychiatre et son psychothérapeute, deux professionnels bienveillants. Même si de nombreux HPI vivent très bien leurs caractéristiques (et heureusement), la souffrance de certains d’entre eux est encore trop souvent sous-estimée au sein de notre société pour qu’on s’autorise à en parler comme d’un simple « sujet à la mode ».
En 20 ans, la littérature sur le sujet a fleuri. A nous de faire le tri dans ces nombreux ouvrages. Pour ma part, j’ai soutenu l’ouvrage de Chloé Romengas quand il était encore à l’état de projet. Et je ne le regrette pas car c’est aujourd’hui l’un ouvrage que je conseille à mes jeunes accompagnés (oui, je ne vous l’ai pas dit mais je suis professionnelle de l’accompagnement et j’ai orienté mon activité sur le public jeune dont j’entends la souffrance). Au même titre, j’aime beaucoup l’ouvrage de Sandrine Rouget (Un caméléon (trop) sensible). J’ai bien sûr également dans ma petite bibliothèque votre livret « Identifier et accompagner l’élève à haut potentiel intellectuel » dont je me sers pour expliquer aux parents et aux enseignants qu’il n’existe pas un profil HPI mais des profils.
Je rêve d’un monde sans « effet de mode », un monde dans lequel nous pourrions respecter les différences des uns et des autres jusqu’à ce que la différence ne soit plus un sujet sur lequel il faut débattre… savoir accepter et respecter les différences n’est-il pas nécessaire pour nous respecter nous-même ?… car en fin de compte, ne sommes-nous pas tous différents ? J’aime beaucoup la petite phrase « Je suis différent, comme toi ! ».
Au plaisir de vous lire à nouveau !