Les écrans deviennent omniprésents dans nos vies et influent sur nos relations sociales. Peut-on fixer des limites à leur usage, comment se positionner en tant que parents face à leur imprégnation, faut-il s’en méfier, en avons-nous un usage abusif ?
La question est complexe et les ouvrages et avis sur la question divergent. Pour y répondre, je vous propose une vidéo instructive émanant du centre Jean Piaget intitulée « Les effets des écrans sur le développement des jeunes enfants » animée par Edouard Gentaz.
Pourquoi ce sujet aujourd’hui ?
Les parents estiment que le premier contact visuel de leur enfant avec un écran s’est fait en moyenne à l’âge de 9 mois, mais qu’ils lui auraient donné la permission de regarder un écran de manière intentionnelle seulement à l’âge de 17 mois en moyenne (Guilloz et al, 2022).
Les effets des écrans sur le développement des jeunes enfants – Edouard Gentaz
Avec le recul je me souviens que c’est en partie l’écran, à travers un logiciel de jeu éducatif, qui nous a permis de comprendre que notre premier enfant avait des « aptitudes hors norme » à la fois par sa facilité à manier la souris de façon appropriée et son niveau de compréhension élevé des jeux proposés. Avons-nous bien agi alors en lui donnant accès à ces ressources ? Edouard Gentaz nous donne des pistes de réflexion.
Par ailleurs, l’un des critères de repérage de l’enfant à haut potentiel est la distraction ou le manque d’attention. Si ces troubles existent et cohabitent parfois avec le haut potentiel, n’y a t-il pas des failles éducatives liées aux écrans dont nous ne sommes pas conscients, responsables de cet état de fait ?
Enfin, nous ne pouvons pas nier que derrière ces écrans nos enfants trouvent de formidables possibilités d’éveil, d’information et d’action constructive leur permettant de satisfaire leur curiosité et de progresser à leur rythme propre, et que nous-mêmes sommes, tout bien considéré, trop souvent de piètres modèles !
Fabriquons-nous vraiment une génération de crétins digitaux tel que l’annonce Michel Desmurget ? Existe-t-il une voie plus modérée et propice au développement de l’enfant ?
La tentation des écrans est grande, il est de plus difficile de leur résister. Les expériences menées dans les études présentées par Edouard Gentaz démontrent clairement leur impact négatif dans la relation et les échanges avec le jeune enfant lorsque l’écran intervient comme tierce partie.
Prendre conscience de l’usage réel que nous avons des écrans, de nos temps d’exposition est une première étape. L’exemple du papa qui donne le biberon à son enfant et coupe le lien avec son bébé dès lors qu’il se tourne vers son portable (36min 20 de la vidéo) est assez significatif.
L’écran qui coupe l’interaction positive entre le parent et l’enfant est décrit comme le phénomène de technoférence parentale.
Interruptions dans les échanges dyadiques entre le parent et son enfant provoquées par l’utilisation des nouvelles technologies au moment de l’interaction (McDaniel et Radesky, 2018).
La technoférence parentale a des effets négatifs sur :
- le développement du langage oral chez les moins de 3 ans,
- la concentration et les régulations émotionnelles chez les enfants d’âge scolaire.
Vous trouverez un complément d’explications sur ce phénomène relativement nouveau, qui mérite réflexion, dans cette vidéo d’Olivier Duris, psychologue clinicien.
Dès lors qu’on parle de haut potentiel et de troubles de l’attention, voire de provocation, il faudrait peut-être songer à intégrer la probabilité de troubles liés à la technoférence parentale dans nos analyses.
Edouard Gentaz l’a évoqué, il est difficile de faire des études et obtenir des données fiables sur des phénomènes liés à des évolutions rapides et récentes.
Le temps qu’on fasse les études, qu’on les publie, qu’on fasse des recommandations, les usages ont changé et la recherche est obsolète…
Les effets des écrans sur le développement des jeunes enfants – Edouard Gentaz
Par contre, on peut s’interroger sur la fréquence des comportements « troublés » et tenter de les mettre en relation avec nos modes de vie, au moins sur le plan familial, afin de tenter de les atténuer.
Fort heureusement, des axes de progrès existent :
Les effets négatifs des écrans sont proportionnels à leur durée d’exposition et constatés par exemple lorsque la télé est allumée en bruit de fond. Par contre ils deviennent positifs lorsque l’on retarde l’âge de la première exposition, si les programmes ont un objectif éducatif et surtout lorsque ceux-ci sont partagés (co-visionnement avec l’adulte).
La réflexion, portée ici sur le jeune enfant, peut évidemment être élargie à toutes les relations personnelles si l’on considère que les individus qui ne disposent pas d’un smartphone personnel sont de plus en plus rares.
Olivier Duris, précédemment cité, explique dans une autre vidéo comment interagir bénéfiquement avec les écrans, et à quel point cela touche tout le monde, adultes compris :
Des conseils de bon sens :
- limiter au maximum les écrans avant 2 ans
- pas d’écran pendant les repas
- pas d’écran le matin au lever
- ne pas mettre l’enfant seul face à l’écran
- accompagner les parents dans l’exercice de leur parentalité
- réguler ses propres comportements d’adultes avec les écrans
Le paradoxe !
Un groupe de réflexion a été mené en Suisse pour aider les parents à réguler l’usage des écrans. Nous serons heureux d’en lire les conclusions lorsqu’elles seront finalisées.
Une recherche en cours est menée pour associer tous les parents d’une crèche à un défi qui semble somme toute assez banal ! Il s’agit de remplacer chaque jour un temps d’écran par autant de temps consacré à 4 types d’activités :
- activité de lecture partagée
- activité physique
- activité manuelle, bricolage…
- jouer
Cela me semble banal, à moi, ayant vécu avant l’apparition des écrans, téléphones portables et autres appareils du même type et ayant par conséquent grandi en jouant, bricolant, lisant… Mais après réflexion, je me rends compte que pour des parents plus jeunes nés avec cette technologie qui s’immisce de plus en plus dans nos vies, ces activités qui pour moi sont logiques et presque des activités réflexes ne sont pas pour eux une évidence et nécessitent une éducation.
- Pour moi, l’écran est une tentation à laquelle je peux encore résister avec quelques d’efforts.
- Pour les jeunes parents nés avec les écrans il s’agit d’une présence habituelle dont il faut apprendre à se départir, en particulier lorsque l’enfant paraît !
Le faible intérêt pour la lecture constaté actuellement chez les enfants est probablement un phénomène générationnel lié à la prédominance des écrans. Peut-être leurs difficultés spatiales, motrices grandissantes en sont-elles aussi une conséquence ? Des études, certainement trop tardives, nous le diront !
En attendant, merci aux personnes éveillées de nous permettre de nous interroger et nous remettre en question face à ces comportements, pour le bien de nos enfants.
Nous ne pouvons que vous recommander l’ancêtre des écrans, le livre, pour favoriser les échanges et les interactions avec vos enfants, dès le plus jeune âge. N’hésitez pas à consulter notre rubrique « livres » pour vous inspirer et à l’enrichir de vos recommandations !
Comment utilisez-vous les écrans avec vos enfants ? Les pensez-vous responsables de phénomènes d’agitation, de trouble de l’attention, ou au contraire bénéfiques dans certains cas ? Quelles sont vos limites ? Vous pouvez comme toujours témoigner à la suite de cet article.