Dans cet article, je vais vous expliquer à l’aide des dernières découvertes en neurosciences sur le cerveau ce qui permet à l’enfant en général et à l’enfant précoce en particulier de favoriser l’apprentissage et de conserver la motivation qui doit nécessairement l’accompagner pour qu’il soit réellement efficace.
Je me suis appuyée pour cela sur les conférences suivantes, qui ont toutes les deux pour thème « l’apprentissage de l’enfant« .
Celle de Daniel Favre, professeur d’université et docteur en neurosciences, plutôt axée sur la réussite éducative.
L’autre, sous la forme d’un grand débat sur les mécanismes de l’apprentissage qui laisse s’exprimer plusieurs spécialistes du cerveau.
Je précise que je ne suis ni spécialiste, ni chercheur… et que je ne prétends pas apporter une valeur scientifique à cet article. J’essaie simplement de mettre en avant des points qui m’ont interpellée et me semblent permettre une meilleure compréhension des éléments qui favoriseraient ou non le processus d’apprentissage de l’enfant précoce. Pour ce faire je vais tenter de mettre en parallèle différents points abordés dans les 2 conférences.
L’apprentissage du jeune enfant, dès sa naissance, se fait par imitation. Les bébés imitent de façon irrépressible et cette imitation se fait dans un lien de confiance absolue avec leur entourage. Les bébés font confiance naturellement, cette confiance augmente dans le temps et est fondamentale dans les apprentissages. Le contexte social est très important : les enfants apprennent des personnes qui les entourent. L’expérimentation avec des robots montre que l’apprentissage se fait par association d’idées entre l’expression physique et la présentation d’un objet, d’où l’importance de l’expression des émotions, positives, négatives, pour la bonne compréhension de son environnement.
Ce processus d’imitation nécessite un réseau minimal de neurones.
Les recherches du Dr Favre, sous l’éclairage des neurosciences, ont mis en avant qu’affectivité et cognition ne peuvent être séparés. Dans le cerveau, à tous les niveaux, se trouvent des neurones liés aux émotions et à la cognition. L’environnement affectif de l’enfant est donc très important et plus l’empathie (capacité à se représenter ce que l’autre pense) est élevée, plus les apprentissages seront favorisés.
Cela pose la question de la réciprocité en milieu scolaire (et avant aussi) pour l’enfant précoce qui a de fortes capacités d’empathie, et n’obtient pas forcément une réponse équilibrée. Par ailleurs, du fait de cette caractéristique, il ressent plus fortement que ses camarades le climat ambiant, qui lui est parfois favorable, parfois non.
Tout individu est mu par des motivations variées.
La motivation de sécurisation
Elle est intense au début de la vie et implique la satisfaction des besoins fondamentaux par une personne extérieure, d’être accepté comme un sujet en devenir. Cette motivation nécessite des règles et des interdits, favorisant une éducation de l’agressivité. L’enfant progresse en territoire connu, maîtrisé. Au niveau de l’école, cela implique la nécessité d’une présence bienveillante pour accompagner positivement le processus d’apprentissage.
On pourrait donc dire que la première étape qui construit l’enfant et l’élève en devenir est cette période durant laquelle il apprend par imitation. Il a besoins de modèles stables et bienveillants, confiants dans ses capacités d’apprentissage, apportant une base émotionnelle sereine et encadrée.
Parallèlement à l’apprentissage par imitation, automatisation, répétition, l’enfant se construit et grandit par activation du cortex préfrontal. Cela lui permet de prendre du recul, d’abstraire, d’inhiber les automatismes afin d’atteindre une certaine autonomie d’action, de pensée.. C’est ce contrôle inhibiteur du cortex préfrontal qui permet les apprentissages contrôlés, d’approfondir, de se questionner, d’abstraire, de changer de point de vue…
Cette période constitue un fort moment de déstabilisation émotionnelle et cognitive car elle nécessite de désinhiber les acquis. Il est donc nécessaire d’accompagner les élèves au moment de ces déstabilisations cognitives et affectives. Affectivité et cognition ne peuvent pas être séparées : l’état émotionnel des enfants interfère sur les capacités d’apprentissage, dans le traitement des informations, dans la construction de nos représentations. Les lobes frontaux ont la possibilité d’inhiber nos émotions et vice versa. Des émotions trop fortes font perdre le fil de la réflexion.
Le docteur Fabre a démontré que les individus fonctionnaient à l’aide de deux systèmes de motivation supplémentaires, utiles et nécessaires, appelés motivation d’innovation et motivation de dépendance, plus ou moins favorables en matière d’apprentissage.
La motivation d’innovation
Elle intervient au seuil du système de sécurisation, lorsque la frustration, l’ennui interviennent. Elle permet l’exploration, la résolution de problèmes. Le plaisir pris à résoudre des problèmes se nourrit lui-même, en interne, par référence à soi-même. La motivation d’innovation entraîne une sécrétion de dopamine. Une fois le processus d’apprentissage compris, l’enfant a moins besoin de sécurité, il devient plus autonome et le désir de comprendre est encouragé.
C’est cette motivation qu’il est primordial de faire émerger chez l’enfant précoce : encourager les questionnements, la recherche, la confrontation aux défis…
Or, selon le docteur Fabre, le système éducatif français est encore fondé sur le modèle béhavioriste, qui cherche comment agir sur un individu pour obtenir un résultat voulu, résultat qui est « bonne ou mauvaise note », « bâton ou carotte », par opposition à d’autres modèles dans lesquels on cherche dans chaque être humain la pulsion de réalisation de soi, la recherche de défis, de résolution de problèmes, qui serait plus favorable à l’enfant précoce.
On peut dire, pour imager les choses, que le principe de l’enseignement aujourd’hui consiste à « remplir un vase » au lieu d’allumer un feu au sens de faire briller une étincelle, étincelle qui s’allume dans les yeux de nos enfants lorsqu’ils sont en « mode innovation ».
A défaut de pouvoir atteindre rapidement et facilement ce système de motivation,ils risquent de trouver un réconfort dans un troisième système, celui de la dépendance.
La motivation d’addiction
C’est un système dans lequel se retrouvent beaucoup d’enfants en échec scolaire, entraînés dans cette voie malgré eux car leur pulsion agressive n’a pas été stoppée par une bonne compréhension de leurs émotions. Cela peut être le cas de certains enfants précoces mal accompagnés affectivement et cognitivement.
La motivation d’addiction permet de passer outre le sentiment d’inconfort et d’impuissance. C’est un parasitage de la motivation de sécurisation : un exemple qui pourrait être donné serait le plaisir éprouvé à se sentir nul, qui dispense à vie de faire des efforts et se révèle donc jubilatoire. Ce pourrait aussi être un attachement à des modes de fonctionnement, à un système de pensée qui permettent de projeter à travers un comportement violent ou agressif son impossibilité de reconnaître et d’exprimer ses émotions.
Dans le cas des enfants précoces qui vont mal, il est important de reconnaître l’enfant qui s’enferme dans ce système afin de trouver les leviers pour le faire basculer vers le système de l’innovation.
Scolairement cela reste possible avec l’appui et la compréhension des enseignants, à conditions que ceux-ci soient formés à :
- apprendre à l’élève à gérer les nécessaires déstabilisations cognitives et affectives liées à l’apprentissage;
- séparer l’erreur de la faute dans les apprentissages;
- construire un mode d’autorité distinct de la domination /soumission : l’élève est un sujet en devenir, il peut dire non;
- choisir l’affirmation de soi non violente, l’écoute et l’ empathie plutôt que la manipulation;
- associer transmission des savoirs et socialisation;
- choisir un système de valeurs prioritaire : réussite pour tous ou compétition.
Ces conférences nous démontrent combien l’apport des neurosciences vient bousculer nos idées reçues sur l’éducation des enfants. C’est une chance pour les enfants surdoués, dont le mode de fonctionnement échappe encore trop souvent aux adultes qui ont pour tâche de les éduquer ou des les instruire. Il reste à espérer que les pédagogues sauront s’emparer de toutes ces avancées pour adapter les méthodes en vigueur dans l’enseignement aux connaissances nouvelles que la science nous permet d’acquérir à un rythme de plus en plus rapide.
En tant que parents aussi, nous pouvons faire évoluer nos pratiques. Ne nous en privons pas. Si nous ne pouvons pas toujours imposer à l’école de changer, nous pouvons prendre notre part à la maison et faire en sorte que nos enfants y trouvent la motivation que, peut-être, l’école n’est pas encore capable de leur offrir.
Que lire sur le sujet ?
Cessons de démotiver les élèves, de Daniel Favre
Cet ouvrage est porteur d’un projet : permettre aux élèves de se remotiver pour l’apprentissage. Pour ce faire, il s’appuie sur des notions neurobiologiques et en illustre la mise en application au quotidien. Les élèves devraient ainsi renouer avec le plaisir d’apprendre pour lequel le cerveau humain est conçu.
Les enseignants, quant à eux, bénéficieront du projet pour :
• travailler ensemble, tout en se remettant en question ;
• se montrer vulnérables, tout en développant une plus grande sécurité de base ;
• réinventer leur métier, tout en se rapprochant des valeurs à l’origine de leur vocation.
L’ambition de livre est de prendre véritablement en compte la dimension affective de l’apprentissage, l’auteur ayant déjà démontré avec succès dans son précédent ouvrage que la violence et l’échec scolaire sont réversibles à cette même condition. La 19e clé ajoutée dans cette nouvelle édition se présente comme un mode d’emploi pour toutes les autres, appuyé sur des années de mise en pratique par des enseignants.
Mon cerveau – Questions/Réponses pour les enfants
32 questions pour découvrir le fonctionnement et l’importance de ce chef d’orchestre étonnant que les deux auteurs, professeurs et chercheurs passionnés, étudient chez les enfants.
A quoi sert le cerveau ? Combien pèse-t-il ? Qu’est-ce qu’un neurone ? Depuis quand explore-t-on le cerveau ? Qu’est-ce que les neurosciences ? Comment voit-on dans la tête ? Comment se préparer pour une IRM ? Comment le cerveau apprend-il ? Peut-on le réparer ? Le cerveau rêve-t-il ? Les robots ont-ils un cerveau ?…
Par deux auteurs experts, à la pointe des recherches en neurosciences : Olivier Houdé et Grégoire Borst.