Peut-être avez-vous déjà eu la curiosité de connaître votre QI (quotient intellectuel). En répondant à des tests sur Internet, ou en voyant un psychologue homologué. Des méthodes aussi prisées par les parents qu’elles sont critiquées par certains spécialistes. Faut-il connaître le QI de nos enfants ?
Transcription écrite de l’émission
Le QI de leurs enfants, certains le portent à la boutonnière. D’autres s’inquiètent tellement vite d’un comportement quel qu’il soit qu’ils pensent trouver dans ce chiffre une explication rationnelle à beaucoup de choses et c’est souvent d’ailleurs une des premières questions que l’on pose à un pédopsychiatre : dois-je faire tester mon enfant ? Mais au fond, qu’est-ce que le QI ? Est-ce un outil, un indicateur ? Il indique ma capacité à quoi exactement ? Si le QI d’un enfant est très haut, sera-t-il forcément docteur en physique nucléaire, et inversement un QI dans la moyenne basse vous range-t-il immédiatement dans une autre case ?
Qu’est-ce qu’on mesure, est-ce que ça bouge dans la vie ? Dans la course à l’intelligence, à la performance, y’a-t-il un danger à mettre une charge disproportionnée dans ces tests et leurs résultats ? Faut-il au contraire tester tranquillement ces enfants, est-ce que ça les aide à avancer ?
Delphine bonsoir et bienvenue.
Merci. Je voulais réagir parce que notre démarche pour faire passer un test de QI à notre fils n’était pas de la curiosité, ni de l’envie de briller dans les salons. C’était pour répondre à des problèmes que nous avions en tant que parents, des problèmes éducatifs et à la maison. Il était hypersensible, hyperémotif et avait une mauvaise image de lui-même, un manque de confiance en lui. Il parlait même de suicide parfois, c’est allé assez loin. Et au niveau scolaire, lorsque j’ai vu les premiers signes de décrochage, j’ai commencé à m’inquiéter. En tombant par hasard sur une émission de France Inter qui en parlait, j’ai tendu l’oreille et reconnu mon fils ; je me suis dit « il faut qu’on sache s’il il est à haut potentiel ou pas. Et en effet il l’est, ce qui nous a permis de répondre à une multitude de questions qu’on se posait grâce à la psychologue qui lui a fait passer les tests. Et je pense qu’il est important dans l’environnement familial que tout le monde le comprenne, sache qu’il fonctionne autrement. Ce n’est pas un super-intelligence, mais une manière d’appréhender le monde et de penser qui est différente. Et une fois que l’entourage et l’enfant l’ont compris, tout va beaucoup mieux.
Quand vous dites « compris par l’enfant », que lui dites-vous dans ces cas-là ?
Il y a deux ans il n’avait que huit ans, on lui a dit que ça lui servirait à comprendre comment il fonctionnait dans sa tête, ses réactions et ses émotions. Je lui ai toujours dit aussi que dans l’expression « haut potentiel intellectuel » il y a le mot potentiel, qui dépend de ce que tu fais de ton intelligence. Tu as un potentiel, qu’est-ce que tu en fais après ? Il faut donc essayer d’aller bien pour pouvoir en faire quelque chose de bien.
Et vous avez mis votre enfant dans une école spécialisée, si je ne me trompe pas ?
Oui, nous avons trouvé une école alternative, mais il regagnera le collège traditionnel l’année prochaine, en sixième.
Merci beaucoup pour ce premier témoignage qui nous permet d’entrer dans le sujet de plain-pied. Pour répondre à vos questions et discuter ensemble, Franck Ramus est là bonsoir ! Chercheur au CNRS vous êtes psycholinguiste attaché au laboratoire de sciences cognitives et psycholinguistiques à l’école normale supérieure. Et bonsoir Gabriel Wahl, vous êtes psychiatre de l’enfant et de l’adolescent, vous êtes auteur de beaucoup d’ouvrages sur le sujet dont « les enfants intellectuellement précoces » publié chez Que-sais-je. Est-ce qu’expliquer un comportement passe forcément par un test de QI ? Gabriel Wahl ?
C’est un exemple très intéressant, et il faudrait un long développement, donc je vais essayer d’être clair en quelques phrases : ce que nous dit cette dame, c’est que son enfant a des difficultés, qu’il est testé et que sur la base de ce qu’il a comme QI, il pourrait y avoir une explication de ces difficultés. Je ne peux pas exclure en effet qu’il y ait un lien entre un haut QI, un haut potentiel et des difficultés, mais le plus souvent les enfants qui ont un haut potentiel n’ont pas de difficultés ou de décrochage scolaire. Statistiquement un haut potentiel ne décroche pas scolairement. Donc là j’ai le sentiment qu’il se pourrait qu’il y ait une sur-attribution des difficultés au haut potentiel, et qu’en réalité les bons diagnostics, la bonne perspicacité des difficultés de cet enfants n’aient pas été révélés parce que le haut potentiel a servi d’écran explicatif. Et j’en profite pour raconter une petite anecdote : j’ai une maman dont l’enfant est dans une école pour enfants surdoués, je le suis pour une tout autre raison, un autre problème, et une jour je lui dis, un peu par provocation, « Dans le fond, tous les enfants qui sont dans cette école et qui ont des problèmes, ils ne le sont pas parce qu’ils sont surdoués, ils le sont parce qu’ils ont d’autres problèmes. » Elle m’a répondu « Mais bien sûr ! »
Franck Ramus, au fond, on cherche à se rassurer parfois, chez les parents, parce qu’on a besoin comme le disait Gabriel Wahl d’avoir une explication. Et à la limite pourquoi pas d’ailleurs. Ca a visiblement apaisé cette famille, donc tant mieux.
Oui bien sûr, les gens qui ont des problèmes cherchent toujours des explications à leurs problèmes, et sont souvent près à en accepter assez rapidement, qu’elles soient bonnes ou mauvaises. Ce cas illustre toute la différence qu’il y a entre raisonner sur des cas particuliers et essayer de faire des statistiques sur la population. Chez cet enfants en particulier il y a une co-ocurrence du haut potentiel intellectuel et de troubles émotionnels ou comportementaux. Donc quand on regarde cet enfant on a l’impression que les deux sont intimement liés. Mais lorsqu’on regarde la population en général il n’y a pas d’association.
Est-ce qu’il faut le dire à l’enfant, qu’est-ce qu’on lui dit en fait ? N’est-ce pas un très très lourd fardeau de lui mettre sur les épaules « Tu as un haut potentiel mon fils » ? Ou au contraire ça l’aide à avancer ?
Gabriel Wahl – C’est peut-être un lourd fardeau pour les parents, mais si on dit à un enfant qu’il est intelligent et qu’il a de bonnes chances de réussir scolairement, et qu’il peut regarder l’avenir avec confiance, je ne crois pas que ce soir un discours particulièrement offensant ou douloureux
Franck Ramus – On n’est pas obligé de lui dire. Il faut lui dire si ça remplit une certaine fonction. SI 44par exemple c’est un enfant qui a un trouble d’apprentissage, comme une dyslexie ou un trouble de l’attention, mais qui a à côté de ça un haut potentiel intellectuel, le fait d’avoir ce haut potentiel lui permet d’avoir de l’espoir, de restaurer son estime de soi et de se dire « d’accord j’ai des difficultés dans tel domaine, mais je vais quand même pouvoir faire des études ».
Retour au standard, bonsoir Vincent.
Bonsoir. Ma question est la suivante : quels sont les paramètres sur lesquels sont basés les tests de QI, sachant que c’est « subjectif », pour moi un enfant qui naît aborigène dans le bush australien va peut-être avoir plein de connaissances par rapport à son environnement, à ce qui l’entoure. Un autre exemple, le mien ; je suis maçon, j’ai fait un test de QI sur Internet, il y a beaucoup de logique, de visuel, des paramètres que j’emploie quotidiennement dans mon travail , donc voilà. Quelle est la pertinence d’un test de QI et sur quoi sont-ils basés.
Une question pertinente effectivement ; est-ce qu’on teste de la même manière dans tous les pays ? Est-ce qu’on mesure la même chose ?
Très probablement. Je ne connais pas les tests de tous les pays du monde, mais il y a un test presque universel, le WISC – Wechsler, qui est bien sûr adapté à chaque culture, par exemple en France il n’y a peut-être pas de questions sur la gastronomie de tel ou tel pays. Pour répondre à sa question, il y a trente ou quarante ans on a fait passer un test à un berger complètement illettré. Et pour ce qui est du verbal, donc tout ce qui a trait à la culture scolaire, il était évidemment plutôt nul. Pourtant, pour ce qui est des tests d’intelligence rationnelle purs, il avait été tellement brillant que quelques années après il apprenait à lire et passait le bac. Et de ce que je sais de lui il y a vingt ans, il était professeur à l’université. Donc un aborigène qui passe un test ne sera naturellement pas très doué si on l’interroge sur les fables de La Fontaine, Mais pourra quand même montrer son intelligence dans d’autres domaines d’autant que les tests balaient en principe tous les champs de la rationalité intellectuelle.
Mais justement qu’est-ce qu’on teste Franck Ramus, c’est ma capacité à quoi que je vais retrouver dans ce chiffre ?
La mesure de l’intelligence n’est pas quelque chose de subjectif. Cent ans de recherche en psychologie se sont efforcés de la rendre la plus objective possible. Mais évidemment dans certaines limites : ce n’est qu’un instrument de mesure et ça a une certaine fiabilité qui est forcément limitée. Donc qu’est-ce que ça mesure : ça vise à mesure l’ensemble des fonctions cognitives de la personne humaine, à la fois des capacités verbales, non-verbales, les capacités et la rapidité de raisonnement… Et on fait une espèce de moyenne de toutes ces capacités. Évidemment, lorsqu’on fait ces tests dans des cultures différentes, on essaie d’adapter ces tests à chaque culture, pour ne pas défavoriser telle ou telle population. On rencontre donc des limites quand on va chercher des cultures tellement éloignées de la nôtre, comme les aborigènes australiens, que la situation même de test n’a plus de sens pour eux. Il risquent d’avoir des scores très très bas, ça ne veut pas dire qu’ils sont complètement idiots, mais juste qu’ils ne sont pas adaptés au test. Et à fortiori s’ils ne sont pas scolarisés, la scolarisation étant quand même le meilleur moyen d’améliorer l’intelligence des enfants.
Donc ça bouge un QI ?
Bien sûr ! Mais il y a plusieurs échelles de QI ; le QI relatif à l’ensemble de la population, avec la moyenne à 100, qui est relativement stable rapporté à la population ; Mais les scores bruts, eux, progressent tout au long du développement de l’enfant.
On y reviendra. Écoutons Laurence bonsoir !
Bonsoir. J’ai un fils qui a été diagnostiqué précoce et qui va avoir trente ans la semaine prochaine. C’était une époque où le sujet était assez peu médiatisé, j’ai découvert ça sur une émission de Jean-Luc Delarue. Il a été comme placé dans une case à compter de ce moment-là, l’école était déjà compliquée parce qu’il s’en est désintéressé dès l’instant où il a su lire. Il a cherché par lui-même les informations dont il avait besoin, l’école était un cauchemar, il emmenait des livres, il lisait en douce, il séchait l’école déjà très petit. On a essayé de le mettre en école spécialisé mais il y est arrivé en redoublant sa sixième et s’est retrouvé avec des enfants bien plus jeunes que lui, donc ça n’allait pas non plus. Il a fini par être déscolarisé à douze ans, parce que l’inspecteur le suivait tous les ans d’un collège à un autre, il passait en conseil de discipline… Finalement les éducateurs ont fait leur travail, j’ai adressé un courrier au juge pour dire qu’on avait un enfant de moins de seize ans déscolarisés, et que nous ne savions pas quoi faire. Il a été pris en charge avec une action éducative en milieu ouvert, jusqu’à ce qu’il puisse travailler. Il a enchaîné les petits boulots, puis il y a eu l’école 42 où il a passé la sélection tout seul, sans rien dire. Et quand il a su qu’il allait à Paris faire ce qu’ils appellent la piscine, il a paniqué comme à chaque fois qu’il tente quelque chose qui lui fait peur, provoqué un accident, il a eu une brèche au cerveau, un hématome (soudural?!). Il est quand même allé passer les quatre semaines, il a tenu jusqu’au bout mais n’a pas été pris à la dernière sélection.
Je pense qu’il y a maintenant une prise en charge différente, parce qu’on connaît mieux le sujet, mais voilà.
Est-ce que vous pensez que les choses se seraient passées différemment s’il ne l’avait pas su ?
Exactement, parce que j’ai deux autres enfants que je trouve très intelligents aussi, et ils vivent tellement mieux. C’est un enfant qui est encore malheureux, qui sent qu’émotionnellement ça l’a parasité pour se construire. Il y a peut-être d’autres choses, mais on a vu tellement de psys que je ne vois pas ce qu’il pourrait y avoir d’autre. Aujourd’hui il est presque incapable de faire face à un chagrin d’amour par exemple, c’est ce qu’il vit en ce moment.
Merci beaucoup pour ce témoignage Laurence. Gabriel Wahl, cette phrase de Laurence, « il est parasité par ses émotions » ?
Dans le témoignage de cette dame ce que je retiens c’est qu’elle a deux autres enfants qui sont peut-être tout aussi intelligents que celui dont elle nous parle, mais peut-être qu’elle ne s’est pas autorisée à en parler parce qu’elle est quasi persuadée que lorsqu’on est très intelligent on est malheureux. On ne donne comme témoignage que des gens intelligents et malheureux. Ce qui fait que par devers nous cette émission conforte l’idée selon laquelle quand on est très intelligent on est forcément très malheureux. J’aurais préféré qu’elle nous parle des gens intelligents heureux puisque apparemment elle a deux autres enfants qui n’ont pas de soucis.
Franck Ramus – Oui mais elle ne pourra pas parce que leur QI n’a pas été testé. Vous voyez d’où vient ce biais de perception, on ne parle que des enfants ou des adultes à haut QI qui sont malheureux, qui sont en échec ou inadaptés, tout simplement parce que ceux qui ont un haut QI et qui vont bien ne passent jamais de leur vie un test de QI, il ne savent jamais qu’ils ont un haut potentiel. Moi je les retrouve comme élèves à l’école normale supérieure, mais il ne savent rien de leur haut QI, c’est juste le résultat de leur haute capacité.
Ce que je trouve intéressant c’est, comme Laurence qui a vu à l’époque une émission de Jean-Luc Delarue, ou un autre qui nous a dit avoir passé un test sur Internet, peut-être qu’on contribue aussi à ça en faisant cette émission aujourd’hui ; mais ce qui nous emmène vers le test n’est pas forcément la bonne raison.
Mais surtout ce qu’il faut bien retenir c’est l’idée que lorsqu’un enfant brillant n’a pas de difficultés, on ne téléphone peut-être pas à l’émission pour dire « j’ai un enfant brillant, mais il est très heureux dans la vie ». Il y a un biais, si j’ose dire, de recrutement.
Appelez quand même. Bonsoir Céline !
Bonsoir, je suis psychologue dans l’Éducation Nationale dans les Hautes-Alpes, et je voulais donner mon témoignage en tant que professionnel où on nous envoie effectivement beaucoup d’élèves à tester. Ça fait dix ans que je pratique cette profession. Au début de ma carrière on me demandait surtout de tester des élèves pour des problèmes de quotient intellectuel plutôt bas pour aller vers des enseignements adaptés, et au fur et à mesure la pratique évolue ; on nous demande de faire des bilans pour vérifier s’il y a une dyslexie, une dyspraxie. Et depuis deux ans, c’est la mode des haut potentiels : toutes les demandes de bilans qu’on a concernent un haut potentiel éventuel et les aménagements qui y sont liés. Malheureusement bien souvent ces élèves n’ont pas le QI correspondant au haut potentiel, et c’est souvent dévastateur aussi. Les pronostics qui peuvent être faits par les familles ou certains professeurs peuvent être mauvais, et quand nous arrivons avec notre grosse batterie pour faire passer le WISC, on peut aussi casser des illusions.
Merci beaucoup Céline. Gabriel Wahl, qu’en pensez-vous ?
Ce qui est très intéressant c’est que l’idée selon laquelle lorsqu’on est à haut potentiel on a nécessairement des difficultés dans l’existence ou au minimum des difficultés d’apprentissage, fait qu’on a retourné le paradoxe jusqu’au bout, ce qui nous permet d’arriver à cette expression : « s’il est dyslexique, en échec scolaire, s’il a des difficultés c’est parce qu’il est certainement à haut potentiel ». Et donc on fait passer un test, et c’est en effet parfois dévastateur parce que la désillusion est grande si le QI n’est pas à la hauteur de l’ambition des parents ou des enseignants.
Souvent c’est pour les parents que la désillusion est grande, plus que pour l’enfant qui y mettait moins de charge, n’est-ce pas Franck Ramus ?
En général les enfants n’y pensent pas, il ne savent même pas ce qu’ils font lorsqu’ils passent le test. Quand l’enfant a des difficultés, il peut y avoir plein d’explications possibles. Dire qu’il est à haut potentiel c’est forcément une explication plus valorisante que tous les autres troubles.
Un témoignage par e-mail : « Le test a permis de mettre le doigt sur la dyspraxie de notre fils, sans cela il serait encore en échec scolaire. » C’est une bonne nouvelle pour ce monsieur-là. « Une nouvelle lubie » nous dit un autre auditeur, « l’incroyable monde des parents qui pensent que leur enfant est un génie et qui font le test de QI, c’est ridicule et ça peut-être parfois violent pour l’enfant. » Franck Ramus ?
Le témoignage sur la dyspraxie est intéressant parce qu’il montre le véritable usage des test de QI. Les tests des QI ne sont pas là pour expliquer tous les problèmes du monde ni pour faire des compétitions, ils sont là pour participer à des diagnostics. Quand un enfant a des difficultés au niveau cognitif on doit faire un diagnostic pour savoir si il est dyslexique, dyspraxique, autiste… Et pour tous ces diagnostics on a besoin de comparer les difficultés qu’il a dans tel domaine avec l’ensemble de ses compétences intellectuelles. Et donc le QI sert à ça.
Bonsoir Sébastien, bienvenue !
Merci. Je me permettais de vous appeler parce que j’ai trois enfants qui « entre guillemets » ont un haut potentiel, mais j’ai toujours refusé de leur faire passer des tests parce que je ne voulais pas qu’on leur mette une cylindrée comme on met une cylindrée sur un voiture. Malheureusement j’ai été obligé de le faire pour mon dernier enfant parce qu’il était au collège et on ne m’a pas laissé le choix. Il a donc fait le test et confirmé notre intuition, il a sauté une classe comme ses frères et sœurs, il est très heureux, il est épanoui et nous aussi. Mais je pense qu’aujourd’hui il y a une certaine mode de faire passer des tests à ses enfants peut-être pour rassurer les parents, ou peut-être pour faire du bien.
Et pourquoi avez-vous été obligé de faire faire ce test à votre enfant, Sébastien ?
Parce qu’arrivé au collège, l’Académie nous l’a demandé pour pouvoir évaluer nos enfants. Je ne suis toujours pas convaincu par la situation, mais nous n’avons fait que suivre ce qu’on nous a demandé de faire.
Gabriel Wahl – Si les résultats scolaires sont excellents, ça peut être posé comme condition pour s’assurer que les résultats qui permettent éventuellement un saut de classe soient réels.
Sébastien, l’auditeur – Tout à fait, il avait des résultats excellents, mais aussi des problèmes de comportement dans le sens où ce que les enfants faisaient en une demi-heure, lui le faisait en dix minutes. C’était le cas, oui.
Franck Ramus ?
Ça montre en effet un autre usage possible des tests de QI qui est, dans le cas où un enfant semble très en avance sur son niveau de classe et où il semble préférable pour lui soit de sauter une classe soit de lui offrir un programme enrichi, ça sert à vérifier qu’il a bien les compétences intellectuelles pour aller plus vite plus loin.
Un autre e-mail intéressant d’un auditeur qui nous dit » j’ai un enfant précoce mais lorsqu’on nous a donné le résultat on ne nous a pas donné les clés pour l’aider à avancer » ; Gabriel Wahl ?
Je ne sais pas si « clé » est le mot que je retiendrais, mais en tout cas on peut commenter un test d’intelligence et insister sur le fait que c’est une chance, d’ailleurs terriblement injuste pour ceux qui ne l’ont pas, et on peut préciser qu’il y a aussi quelques faiblesses. Par exemple un enfant surdoué peut à certains moments de sa scolarité être en souffrance notamment à la période du collège où l’intelligence et la qualité des résultats scolaires peut être une contre-valeur. Il sera en dysharmonie amicale avec le groupe.
Quand je vois cette question sur « donner des clés » je pense aussi aux gens qui se demandent « est-ce qu’il y a les bons bouquins dans la bibliothèque, est-ce que ça va le faire avancer assez vite, est-ce que je dois l’autoriser à aller sur Internet plus souvent pour telle et telle raison, on ne voit pas assez de musées, de films… » Il y a aussi cette espèce de pression qui peut retomber sur les parents, « est-ce que je lui donne le maximum pour le développer » Franck Ramus ?
A propos de « donner les clés », tout dépend les clés de quoi. Je ne sais pas quel était le contexte de cette question. Si l’enfant en question était en difficulté, dans ce cas il est fort probable que les scores de QI ne donnent pas de clés pour l’aider, et pour aider vraiment cet enfant il faut comprendre la nature même de ses difficultés. Est-ce qu’il est en dépression, hyper anxieux, phobique… Ça appelle donc d’autres diagnostics que le seul test de QI.
Gabriel Wahl vous avez dit tout à l’heure que l’intelligence était génétique pour partie ? Je voudrais qu’on écoute Élisabeth, on reviendra à ça après.
Alors moi je voulais témoigner sur la pertinence des tests de QI. Nous sommes une famille de quatre personnes, mon mari et mes deux filles de cinq et huit ans, et nous avons passé des tests de QI un peu par hasard très récemment sachant que je suis tombé une fois sur un article concernant une personne qui avait été victime d’un burn-out et qui à l’occasion de sa convalescence s’était fait détecter HPI ; et de là ont découlé beaucoup de réponses à ses questionnements et à ses troubles.
Donc on a commencé à creuser la question avec mon mari, sachant qu’on s’est toujours trouvés très décalés par rapport à la réalité de la société, par rapport à nos valeurs morales etc… En fait, pour vous expliquer rapidement, on a complètement changé de vie à cause de ça d’ailleurs en déménageant de la région parisienne à partir de postes très bien rémunérés et très « dans le système » d’ingénieurs et nous sommes venus dans le Puy-de-Dôme faire l’école à la maison à nos filles parce qu’on savait bien que de toute façon le système éducatif n’allait pas déjà nous convenir à nous et certainement pas à nos filles. Enfin c’était l’intuition qu’on avait. Et donc, en faisant ces tests de QI, qui ont été très enrichissants pour nous parce que, essentiellement, on avait eu au-delà des calculs et des tests à proprement parler une vraie interaction avec la psychologue, c’est allé bien au-delà des tests en eux-mêmes, donc on a eu la réponse grâce à ces tests à tout notre questionnement et à pourquoi on a senti les choses telles qu’on les a vécues, voilà.
Moi je voulais avoir un témoignage très positif par rapport à tout ça. On a été assez bluffés par l’intelligence de ces tests, si j’ose dire. C’est-à-dire qu’à partir de tests un peu basiques, de logique, d’empilage de cubes, de chiffres, de questions de culture générale assez bateau, on était assez bluffés de voir comment on pouvait en déduire des façons de fonctionner qu’on retrouvait par ailleurs chez nos filles, sachant que nos filles sont aujourd’hui à peu près à deux ou trois ans d’avance sur le programme alors qu’on n’est pas à sur un rythme effréné du tout. En apprenant à leur rythme avec nos méthodes à nous elles arrivent tout à fait à des performances et dans le plaisir surtout, tout à fait remarquables.
Merci beaucoup pour ce témoigne Elisabeth. Deux choses Gabriel Wahl. D’abord, les tests sont bien faits ? J’imagine que c’est des choses qui sont faites depuis très longtemps, 1904 ?
Gabriel Wahl – Absolument, d’ailleurs c’est une invention française et si on connait un peu l’histoire des tests c’est une invention exceptionnelle parce que, au 19ème siècle, pour apprécier l’intelligence, on se contentait de regarder s’il y avait des bosses sur le crâne par exemple. Avant qu’Alfred Binet ne découvre une autre méthode pour mesurer l’intelligence. Donc c’est 100 ans de recherches. Les tests que nous utilisons actuellement correspondent à quelque chose de très sérieux avec une méthodologie très approfondie.
Moi, ce qui me frappe dans le témoignage d’Elisabeth mais pas seulement en fait parce que vous disiez tout à l’heure Gabriel Wahl que c’est mieux d’entendre des gens qui sont heureux d’être intelligents et heureusement, mais en voilà une famille de gens heureux d’être intelligents a priori, mais à chaque fois j’entends parler de décalage en fait et y compris les parents qui témoignent pour leurs enfants, parlent de décalage. Est-ce que ça veut dire que quand on a un très haut potentiel on est forcément en décalage avec le reste du monde. C’est quand même très étonnant.
Gabriel Wahl – Ca dépend du décor social. Si vous êtes très intelligent et que vous êtes dans une école plutôt bourgeoise où le recrutement se fera sur la base du talent, vous serez dans une situation assez homogène. Si vous êtes brillant, que vous aimez à 8 ans l’astrophysique puis qu’autour de vous on ne s’intéresse qu’au football et aux Pokémons par exemple. Des enfants me racontent ça. Evidemment ils sont un peu malheureux parce qu’ils ont l’impression d’être dans un univers qui ne leur ressemble pas, ils ont du mal à trouver des points communs avec les camarades donc ça peut être une source de souffrance. Mais c’est quand même quelque chose qui ne doit pas être considéré comme central. On peut être brillant, avoir 8 ans, être en primaire et être très heureux de son sort.
Il y a beaucoup de questions autour du type d’intelligences qui sont décelées au fond quand on est qualifié de haut potentiel. Est-ce qu’on parle d’une intelligence académique, est-ce qu’on parle d’une autre forme d’intelligence, qu’est-ce qu’on fait de la sensibilité, qu’est-ce qu’on fait de l’émotionnel, etc… Je ne sais comment on fait pour expliquer ça mais quel est le type d’intelligence réellement, Franck Ramus, qu’on met en avant dans ces moments-là.
Franck Ramus – Il y a beaucoup de théories sur différents types d’intelligence. En fait la seule notion d’intelligence qui soit scientifiquement validée, c’est la notion d’intelligence générale, c’est-à-dire la moyenne de toutes les fonctions cognitives de notre cerveau. Et ce que veut dire cette intelligence, c’est une forme de performance., on fait de la performance dans des tests. Donc ça veut dire que ça n’englobe pas tout ce que fait l’être humain. L’être humain a aussi des émotions qui ne participent pas à la performance. Il a aussi une personnalité, une manière de se comporter, une manière d’agir, ça c’est distinct de l’intelligence. L’intelligence c’est une facette de l’être humain, c’est la facette performances cognitives.
Bonsoir Didier. Allez-y on vous écoute !
Bonjour. Je dis, je pense qu’on n’est pas plus malheureux que les autres, qu’on vit tout un peu plus fort, voire beaucoup plus fort que les autres et y compris le bonheur. Donc parler de bonheur ou de malheur me semble un peu limitatif. Par contre, moi j’ai bientôt 52 ans, j’ai passé le test il y a un an suite à un certain nombre d’épreuves vécues. Il a montré que j’étais THQI (très gros potentiel intellectuel) et en fait, rétrospectivement, ça m’a permis de comprendre énormément de choses sur lesquelles j’avais de mauvaises interprétations depuis le début de ma vie. Et ce n’est pas seulement le fait de s’intéresser à l’astrophysique plutôt qu’aux Pokémons, je pense que c’est aussi une façon différente d’appréhender le monde. Donc l’intelligence intellectuelle n’est qu’une toute petite part et de savoir, et de comprendre et d’informer la population sur cette réalité ça permettrait certainement de lever les fantasmes et de simplifier la vie qui, quand même, est rendue sacrément compliquée par ces décalages permanents qu’on ne sait pas comment exprimer, comment expliquer justement parce qu’on n’a pas les clefs. Moi j’ai les clefs depuis un an et depuis un an je décrypte ma vie passée, je me dis que cette pédopsy que ma mère m’avait emmené voir à l’âge de 7 ans, si elle avait été un peu formée, peut-être que ma vie aurait été un différente. Néanmoins je pense que je ne réussis pas trop mal ma vie mais avec des difficultés qui sont vraiment complexes. Et juste une dernière petite chose : je suis professeur d’enseignement artistique spécialisé. L’année dernière j’avais repéré un élève dont je pensais qu’il avait ce genre de profil. Je lui ai demandé s’il avait déjà passé un test psychologique. Il me répond que oui, que les résultats étaient positifs, à savoir qu’il était au-dessus de la moyenne, au-dessus de 130. J’ai vu son père, je lui ai demandé « Est-ce que vous savez ce qu’est un zèbre ? Est-ce qu’on vous a donné des clefs, est-ce qu’on vous a proposé des lectures ? ». Et là, non « Mon fils a un traitement à prendre tous les jours, point. » Il avait effectivement un TDA/H, donc une hyperactivité relative mais au lieu d’être cadré, de lui donner de la matière pour comprendre et accompagner, bien voilà, il ne se passe rien. « Prends ton médoc et puis t’inquiète pas, ça va bien se passer ! » C’est pour ça que votre intervenant, je suis désolé, m’a un peu agacé à plusieurs reprises depuis le début de l’émission en voulant absolument à toutes forces dissocier le fait d’être à haut potentiel intellectuel des difficultés, tout ce à quoi ça correspond. En effet, en matière d’émotions, de relations sociales et de fonctionnement général, non seulement de l’intellect mais aussi de toutes nos capacités.
Merci Didier, Gabriel Wahl va vous répondre.
Je vais essayer, je ne voudrais pas l’agacer davantage. Si on prend l’exemple du TDA/H, c’est un exemple tout à fait intéressant parce que la distribution de l’intelligence pour les enfants TDA/H est la même que la distribution de l’intelligence en général. Vous avez des TDA/H qui sont déficients, des TDA/H qui ont une intelligence moyenne et des TDA/H qui ont une intelligence supérieure et donc il n’y a pas de lien de cause à effet entre l’intelligence et le TDA/H. Et donc le fait de faire un rapprochement c’est quelque chose qui ne correspond pas à la réalité scientifique.
Mais dans les mots qu’il emploi Didier : on vit plus fort que les autres, on a une manière différente d’appréhender le monde… On a l’impression que, effectivement, on est forcément différent qu’on on est plus intelligent, on est forcément sur, tel que Didier nous le décrit, on est dans un autre monde quand on est à ce niveau-là. Vous en dites quoi vous, Gabriel Wahl ?
Et bien j’en dis simplement qu’il n’a pas précisé de quel décalage il s’agissait mais s’il a en effet une sensibilité particulière, une sensibilité poétique, une sensibilité qui le met peut-être en souffrance face aux drames du monde, un peu plus que les autres ce n’est pas lié nécessairement à l’intelligence. Il se pourrait qu’il ait d’une part une sensibilité un peu douloureuse et que, par ailleurs, il soit intelligent. Mais il existe des gens très intelligents, très brillants, qui ont l’esprit très léger, qui ne pensent, je pousse un peu, qu’à s’amuser, qui n’ont pas forcément beaucoup d’états d’âme métaphysiques, etc, etc… Donc il n’y a pas nécessairement de liens entre ses tourments et son décalage et sa grande intelligence.
Une dernière petite question de Martine : le Dauphiné libéré a récemment mis en ligne une étude disant que les QI de nos enfants baissaient à cause de l’excès d’usage d’écrans. Est-ce que oui ou non c’est vrai Franck Ramus ?
D’abord il n’y a aucune preuve à ce jour que le QI des enfants baisse, il y aurait plutôt une tendance à la stagnation. Le QI a beaucoup monté au cours du 20ème siècle et maintenant ça commence à plafonner mais il n’y a pas de signe que ça baisse véritablement. Est-ce que les écrans ont un effet sur le QI ? Quelques études montrent que ça a peut-être un petit effet négatif mais extrêmement petit en vérité.
On finira sur cette bonne nouvelle du coup. Merci beaucoup à tous.
Merci pour cette retranscription !
Merci pour cette retranscription.
Je dois bien avouer que j’ai également été agacée par les propos tenus par le « spécialiste »… nier les difficultés que rencontrent une grande partie des HP dans notre société actuelle est un comble pour qui il est impossible d’ignorer qu’un haut potentiel implique un ressenti exacerbé des émotions, une logique ou manière de penser différente de la « norme ».
Bonjour,
De même, un peu choquée par l’obstination et l’étroitesse de la pensée de ce monsieur.
Si l’on applique sa logique à une autre domaine, on serait amené à dire que la cécité et le diabète n’ont absolument aucun lien puisqu’il existe au sein de la population des personnes aveugles et non diabétiques
On ne marcherait pas un peu sur la tête?!
Personnellement, je trouve que ce discours manque de cohérence. On ne peut pas dire que les troubles, ô combien récurrents, repérés chez certains (de nombreux?) enfants précoces ne sont pas liés à leur précocité, simplement parce qu’il existe des enfants non précoces avec ces mêmes types de troubles.
Pour moi, l’argument n’est pas valable.