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LAURE_B
Participant24 mars 2022 à 17h57Bonjour Madame,
J’aimerais vous réconforter en partageant avec vous mon expérience. Mon fils, quatorze ans, se repose aussi beaucoup sur moi pour tout un tas de choses du quotidien. Cela va de lui demander lorsqu’il part en cours s’il a bien ses lunettes, son carnet de correspondance ou ses clés, à retaper un cours qu’il a perdu et dont il a demandé la photo à un copain. Je sais exactement le sentiment qui en découle : à la fois un sens du devoir aigu, l’obligation coûte que coûte de l’assister pour éviter qu’il coule ; et en même temps la crainte d’être envahissante, de freiner son autonomie. Sans compter sur la relation trouble qui s’ensuit. Dépendance de l’enfant, ou de de l’adolescent, qu’il vit comme une preuve supplémentaire de sa faiblesse et de ses inaptitudes. Bref c’est un cercle vicieux, mais si vous et moi ressentons la même chose, sans nous connaître et probablement nous ressembler, c’est que nous ne sommes pas responsables de cette situation.
Moi-même j’ai beaucoup tendance à procrastiner, et je l’ai fait pendant mes études ; ce n’est pas forcément catastrophique, et il est important de le dédramatiser. Après tout, s’il passe une nuit blanche sur un devoir, mais qu’il est satisfait de lui, l’important c’est qu’il en ressorte le sentiment positif d’avoir fait quelque chose de bon. Ce qui paralyse et rend malheureux les gens qui procrastinent (en encore une fois je parle par expérience), c’est qu’ils savent qu’ils ne font pas ce qu’ils doivent (donc inutile de le leur dire), mais qu’en plus ils n’ont aucune idée PRECISE de ce qu’ils doivent faire, ni de l’ordre dans lequel ils doivent le faire, et que tout ça c’est un magma informe, qui a tendance en plus à grossir chaque jour. Une grosse boule qui ne bouge pas, mais qui bientôt, risque de les détruire. Procrastiner c’est essayer d’ignorer que la boule est là.
Donc je pense que pour ne plus procrastiner, il faut déconstruire l’image de la boule. D’abord en la décomposant en tâches élémentaires faisables, ensuite en se disant que même si on ne la prend pas à bras le corps, on ne va pas être projeté dans la catégorie des faibles et inutiles. Il ne se passera rien, même si on ne fait rien. Et si on fait, il ne peut se passer que des choses sympas. Bref on n’a rien à perdre.
Par exemple, en ce qui concerne mo fils, il lui est très difficile de se projeter sur ce qu’on attend de lui quand on lui dit « travaille ». Ce mot qui lui paraît une sorte d’incantation facile, mais sans réel pouvoir.
Un jour j’ai un eu un éclair, et j’ai compris que le mot tout seul ne voulait rien dire pour lui. Lui, ce qu’il voulait, c’était un guide pas-à-pas de ce qu’il devait faire. Donc j’ai créé un agenda type, jour par jour, détaillé : de telle heure à telle heure tu apprends le cours de physique, de telle heure à telle heure, tu fais des exercices d’anglais sur ce sujet, sur tel site, etc. Je ne dirais pas qu’il suit le programme à la lettre, mais ça le rassure de voir, d’abord qu’il n’a pas à réfléchir à ce qu’il doit faire, et ensuite qu’il y a une heure de fin, et qu’après il est tranquille. Puis je lui ai donné une méthode pour apprendre une leçon : tu lis une fois le cours et chaque fois que tu vois un point important, tu écris sur une feuille une question dont ce point serait la réponse. A la fin de la lecture, tu prends ta feuille de questions, et tu remplis au crayon à papier ; tu corriges avec le cours, et chaque fois que tu t’es trompé tu effaces, puis tu recommences l’opération jusqu’à ce que tous les éléments soient remplis correctement. Et comme bénéfice je lui ai vendu qu’avec ce système il passerait deux fois moins de temps sur une leçon. Ça peut marcher ou pas, évidemment. Mais l’important c’est en fait de mettre des petits cailloux sur le chemin, de ne pas le laisser face à la masse informe de tout ce qu’il a à faire, et de lui montrer que le pas à pas est efficace, sur de très simples exemples.
Et surtout, je pense qu’il est très important de valoriser toute réelle victoire sur soi-même, aussi petite soit-elle. Pas de survaloriser, surtout pas, car il sentirait très vite si ce qu’on dit est juste ou pas.
En tant que parent, j’ai l’impression que le mieux qu’on puisse faire c’est d’arrêter de parler (« tu peux y arriver », « arrête de perdre ton temps », « cesse d’être anxieux) et de faire des petites actions qui marchent. De montrer par l’exemple. Mais c’est épuisant, et pas toujours très valorisant.
Moi je trouve qu’il y a beaucoup de positif dans ce que vous dites sur votre fils : d’abord et quoi qu’il dise même si le système ne lui plaît pas, il s’accroche, et il veut montrer qu’il est capable. C’est essentiel. Ensuite, il a bien compris que le corps peut influer sur l’esprit, et le sport est de ce point de vue un très bon anxiolytique. Enfin il a une vie sociale épanouie, et ça veut dire qu’il arrive à avoir des relations normales sans que vous interveniez. Donc il a en lui les ressources principales pour s’en sortir. Et s’il vous dit que la mort ne lui fait pas peur, c’est à vous qu’il fait peur en parlant ainsi. Mon fils me parlait de suicide, jusqu’à ce que je lui dise une bonne fois pour toutes : « Ecoute, moi je suis ta mère, et je te dis : non, ce n’est pas une option. Pour le moment tu es mineur, alors tu fais ce que je te dis. Adulte ce sera une autre histoire, mais tu n’es pas un adulte. Point. » En fait, ces gamins sont anxieux et comme ils raisonnent beaucoup et juste, on ne perçoit pas toujours que ce qu’ils demandent ce n’est pas une réponse raisonnée, c’est une ligne rouge, ou un fil conducteur, parce qu’il y a tellement de fils dans leur tête qu’à la fin il n’y en a plus.