13 décembre 2011 à 22h42
Je comprends votre fils. Je me rappelle encore, 7 ans plus tard, cet intense moment de solitude lors de ma première réunion de rentrée en tant que maman. En PS, les enfants apprennent à dénombrer jusqu’à trois (5 si la classe est bonne) et à reconnaître les couleurs (primaires, les couleurs …). Je regarde les autres parents présents, mais ils ont l’air plutôt satisfaits du programme. Hum … J’ai appris plus tard que les acquis de ma PS de fille étaient plutôt ceux attendus en fin de GS : compter jusqu’à 31, reconnaître les lettres, écrire son nom et quelques mots … et je ne parle pas du vocabulaire, de la syntaxe … Heureusement, ma fille était dans une classe mixte PS-MS. Elle faisait deux programmes en un. Puis MS-GS. Elle a appris à lire seule en MS, grâce aux quelques clés de déchiffrage que la maîtresse donnait aux grands pendant la « sieste » des moyens. Je n’ose imaginer son ennui si elle s’était retrouvée dans une classe de niveau simple ces deux années-là. Ensuite, comme elle lisait couramment, elle a géré la GS grâce à la bibliothèque de classe et ses instits lui ont fait sauter le CP. Elle fait en ce moment une très bonne sixième dans un très bon collège, et se plaît enfin vraiment à l’école. Elle est même obligée de travailler un peu … (forcément, quand certains profs font plusieurs programmes en un, à la hussarde …).
Son frère n’a pas eu la même chance : une PS marginalisé dans sa classe (il avait décidé qu’il était temps d’apprendre à lire, et restait planté devant les affichages de classe quand ses camarades étaient dans le coin jeux … il savait lire en fin d’année mais a mis six mois à reconnaître ses camarades autrement que grâce à la photo du porte-manteau – sous laquelle était écrit le nom de chacun !) En MS, il a frôlé la phobie scolaire, et nous devons à une psy spécialisée en enfants à haut potentiel de lui avoir évité une année cauchemardesque jusqu’au bout. Actuellement, il est en CE1 et il est bien à l’école depuis qu’il a admis que l’école ne lui apprendrait pas grand chose avant un bon bout de temps, et que l’essentiel était de bien se marrer à la récré, et de progresser en relations sociales. Heureusement qu’il a une bande de garçons plutôt « malins » avec qui partager des jeux dans la cour. L’essentiel de ses journées en classe est consacrée à la lecture de la collection de Petit Quotidien de l’école. Il fait le travail demandé avec application et exactitude (comme ça, tout le monde lui fiche la paix), et retourne à sa lecture dès qu’il peut. Le soir, j’ai du mal à savoir ce qu’il a fait avec la classe, mais il peut me détailler par le menu les Petits Quotidiens qu’il a lus.
Les deux se sont adaptés à l’école. C’est plus simple dans ce sens-là que de demander à l’école de s’adapter. S’adapter, c’est admettre qu’il faut faire avec les règles communes mais ça peut être aussi apprendre à faire avec en les détournant à son bénéfice. Apprendre à mettre à profit les temps morts – nombreux. Prendre du recul. Certains vont développer un imaginaire fertile, d’autres un talent de tuteur, ou un talent de dessinateur, d’écrivain (ou de concepteur de machines bizarres à base de règles, stylos, compas, mais en général, les profs n’aiment pas trop !). Tant qu’ils n’empêchent pas les autres d’apprendre …
Parfois, ils tomberont sur des profs formidables qui sauront les « utiliser », mettre en valeur leurs talents, les pousser à approfondir de manière plus cadrée que ce qu’ils sont capables de faire seuls. Parfois, ils tomberont sur des profs plus délicats à négocier (comme on négocie un virage) : les psychorigides sont terribles … Mais après tout, ils rencontreront à l’école la merveilleuse diversité humaine qu’ils devront affronter dehors. C’est aussi un apprentissage.
Tout cela pour dire que :
1) Les enfants précoces sont comme les autres, tous différents. Il n’y a donc pas de recette. A part ouvrir tout grand son coeur de parent, rester à l’écoute et faire avec l’enfant qu’on a, pas celui qu’on espérait, qui était souvent plus banal. Être libre de ses pensées et de ses décisions, sans idées préconçues.
2) Il ne faut pas s’affoler si on apprend que son enfant est précoce. C’est d’abord une chance. Être intelligent, c’est avoir plus de chances de s’adapter à des environnements divers, si on n’est pas enfermé dans un discours où la précocité serait une différence irrémédiable qui condamne ceux qui sont concernés à une étrangeté stigmatisante, à une fragilité paradoxale, ou que sais-je encore.
Il peut être important, à n’importe quel âge, de mettre un nom sur cette différence qui est ressentie de toute manière, mais sans en fait « tout un plat » non plus.
Avis d’adulte HP, conjointe et mère de HP 