Bonjour,
Je m’appelle Audrey, je viens d’avoir 15 ans et je pense être précoce.

Je l’ai découvert quand j’avais neuf ans, une de mes « amies » était venue à la maison et une fois arrivées près de l’ordinateur, m’avait lancé : « eh, mais t’es trop une surdouée, toi, de toute façon ! ». Ni une ni deux, j’avais décidé d’en savoir un peu plus sur ces « surdoués » (finalement j’en avais deja entendu parler, mais je voulais en savoir plus. Curiosité, juste ça…). Une recherche sur Google, mon ami de toujours, et un clic plus tard sur la page Wikipédia dédiée a la surdouance… Le choc. Je reste bloquée devant l’écran. J’ai l’impression qu’on se moque de moi. Depuis toujours, je m’ennuie. Ma vie se résume à l’ennui. En maternelle, j’avais appris quasiment seule a lire. De toute façon, je faisais tout toute seule. Je me souviens avoir passé tout mon temps, jusqu’au CE2, à l’écart des autres, le regard perdu dans le vide, me balançant à un poteau. De gauche à droite, de gauche à droite… Des récréations entières.
Et puis l’ennui. En CP, horrible année que j’avais passée en regardant par la fenêtre. J’avais supplié ma mère de me faire sauter une classe : « Non, ça t’embêtera plus qu’autre chose et tu perdras toutes tes copines ». De toute façon, je n’en avais aucune, alors ça ne me posait aucun problème. Vers le CE2, j’ai commencé à m’ouvrir aux autres. Premier constat : je faisais peur. Trop sérieuse, trop de mots compliqués. On se moquait de moi autant qu’on me fuyait, alors j’ai commencé à les imiter. Je faisais le clown en permanence, blague sur blague, et fini les mots trop tordus. Je me suis intégrée tant bien que mal (j’étais toujours « bizarre » mais au moins on ne se moquait plus) et puis scolairement, c’était l’enfer. 19 de moyenne, comme d’habitude, et un ennui qui me donnait juste envie de me frapper la tête contre un mur jusqu’à ce que mort s’ensuive. Abominable. Je stagnais. En CE2, je pouvais écouter les cours des classes supérieures, qui étaient juste à coté. Mais, ensuite, c’était terminé.

Au collège, je me suis péniblement fait une « amie », puis deux. En cinquième, je mangeais toute seule (la première de mes « amies » avait déménagé, et la deuxième mangeait chez elle). Je me suis faite insulter, des dizaines de fois. Et en parallèle, je demandais à ma mère un test chez le psy, je lui parlais de ces histoires de précocité. Elle me disait que j’etais peut etre précoce mais que moi j’avais des bonnes notes, alors tout allait bien. J’ai sombré pendant l’été. 7h d’ordinateur par jour, à peu près. Pendant deux mois. Mes parents travaillant tous les deux beaucoup, je passe quasiment toute la journee seule et ca depuis toute petite : ils pensaient que j’en faisais 2, maximum. La quatrieme s’est passée comme elle a pu (…mal).
Cette année de 3ème est de loin la pire que j’ai eue. J’ai été pendant tout une période dans un état de découragement total. J’ai meme demandé à ma mère d’aller au médecin pour lui parler de ce que j’avais. Les TOCs (beaucoup, beaucoup de TOCs, et ca depuis mes 4 ans à peu près), l’espece de relation étrange que j’entretiens avec la nourriture (hyperphagie ? boulimie ? Je traverse des periodes saines et des périodes totalement incontrolées), les grosses difficultés de sommeil que j’ai, et puis la solitude qui me ronge. Comment se sentir bien quand on n’a jamais pu avoir un seul vrai ami ? Juste un ? J’ai parlé à ce médecin. Il a osé nous dire que je n’avais aucun TOC (j’ai un amour prononcé pour les chiffres 1,3,5,9 et 14. Principalement des TOCs de toucher, comme poser le pied dans 3 pieces differentes, toucher la porte 9 fois…Horrible) et m’a prescrit des anxiolytiques (auxquels j’ai fait une reaction allergique violente, soi-dit-en-passant…Hum). Ma mère est persuadée que tout va bien maintenant. Alors que j’errais désespérément sur le Net, j’ai appris l’existence du CNAHP, centre pour surdoués à Rennes, où les tests sont gratuits pour certains enfants habitant dans la région. J’ai utilisé l’argument de l’orientation, que ce test pourrait me donner des indications sur mes aptitudes….Etc. Premier appel téléphonique : Répondeur. 2ème appel : « Rappelez un mardi ou un vendredi, la personne n’est pas présente » 3ème appel, un mardi : Répondeur. Ma mère est persuadée qu’il s’agit de personnes incompétentes, comme tous les psys, ET que tout va très bien.

Je plonge. Comment les convaincre ? J’ai réellement besoin de ce test, ET pour être enfin un peu légitime, ET pour ma santé mentale. Et puis je veux rencontrer d’autres précoces, échanger… Je me sens un peu comme un zèbre au milieu d’un groupe de lions. Faible et courant pathétiquement dans tous les sens. Merci, et pardon d’avoir écrit un pavé pareil pour raconter ma vie, mais je n’ai jamais été douée pour résumer, alors j’ai préféré ne rien faire du tout.